Comment aborder une -supposée- scène de crime ou de mort violente.
Voici 2 scénarios réellement vécus par des ambulanciers. Le but est de se mettre en condition avant la lecture de cet article et surtout de bien se rendre compte que, chaque jour, à chaque mission, urgentes ou non, nous pouvons être confrontés à une -supposée- scène de crime (rappelons que le terme « crime » ne veut pas forcement dire homicide mais englobe aussi la tentative d’homicide, les violences aggravées ou le viol, par exemple), à la mort, quelle soit naturelle bien sur, violente, causée par un ou plusieurs tiers ou par autolyse.
Cas concret N°1 : Victime en vie.
Nous sommes appelés par le samu pour le motif : séjour au sol. L’appel à été passé par l’aide à domicile qui aurait trouvé au matin sa bénéficiaire à terre. Il est 9h.
Nous sommes dans une vieille maison de campagne, type fermette. Nous avons eu du mal à trouver, même avec le GPS car la maison se trouve au fin fond de la campagne.
L’aide à domicile nous accueille et nous dirige vers la pièce principale. Elle nous indique ne pas avoir touché à la patiente.
Il règne un désordre effroyable. Dans un coin de la pièce, une horloge Comtoise est basculée contre le mur, à 45°. Dessous, une boule de drap et de papiers, sur un sol fort sale et enfin, le petit corps immobile d’une très vieille dame, habillée, couchée sur le ventre.
En professionnels de santé et d’urgence, nous « sautons » naturellement sur cette dame pour faire notre prise en soins dans les règles de l’art, après avoir pris soins de sécuriser l’horloge qui risquait finir de tomber sur la dame, ou sur nous, et écarter un peu le « fourbi » afin de pouvoir travailler sereinement autour de la victime. Elle présente plusieurs plaies superficielles au visage et des contusions, est en hypothermie mais avec un Glasgow coté à 15.
Nous traitons, bilantons et évacuons.
Cas concret N¨2 : Victime décédée.
Nous a arrivons dans une maison individuelle, cossue, dans une banlieue de petite ville de province. Nous allons prendre en soins un patient habitué de nos services. En effet, ce monsieur se rend trois fois par semaine au centre médicaux psychologique. Il est suivi pour dépression et alcoolisme. Nous savons qu’il vit seul, que la porte est toujours ouverte pour nous. Par habitude donc, nous entrons sans forcement attendre son accord. La porte d’entrée donne sur un petit couloir, sombre puis dans la salle à manger. La, nous découvrons le corps de notre patient, allongé sur la grande table en bois, les jambes pendante, un couteau profondément enfoncé dans le thorax. Une fois la lumière allumée, nous constatons avec évidence qu’il est décédé depuis un grand moment. Lividité, raideur et odeur significative… Nous ne touchons à rien et appelons le 15.
Le principe même de notre métier, c’est l’inattendu. Être prêt à tout, tout le temps. C’est un précepte très présent chez nos collègues secouristes ou policiers. Mais chez nous, c’est hélas un principe de pensée assez absent.
C’est pourquoi j’ai voulu débuter ce petit article par ces deux cas concrets qui, je le répète, sont parfaitement réels et vécus, pour l’un, par votre serviteur et pour l’autre par un très proche collègue.
C’est comme l’ACR, l’accouchement ou l’explosion, ça peut vous arriver, tout à l’heure, demain.
Alors que faire sur une scène de crime en tant qu’ambulancier ?
Si vous avez le moindre doute sur la possibilité d’être en présence d’un crime, n’hésitez pas à prendre les précautions nécessaires et bien sur à prévenir votre SAMU, on ne vous le reprochera jamais. Le médecin régulateur prendra la décision sur la marche à suivre comme prévenir les forces de l’ordre ou envoyer un SMUR.
Voici 2 principes fondamentaux :
- Travailler en sécurité
- Geler la scène
1/ Travailler en sécurité quoi qu’il arrive, attention au bouts de verre par exemple, aux gaz, aux animaux et bien sur aux armes.
C’est paradoxale avec le deuxième point mais si l’arme présente le moindre danger, il faut trouver un moyen d’écarter ce danger. Un jour je suis intervenu sur un homme qui s’était ouvert les veines avec un grand couteau. En entrant dans la chambre, la coloration et la respiration de l’homme m’ont indiqué qu’il était encore en vie. Le couteau était à portée de main. Avant même de vérifier de plus prêt l’état du patient, mains gantées, je suis allé mettre le couteau à l’abri, à l’autre bout de la pièce, caché. A l’arrivée de la gendarmerie, je leur ai indiqué l’emplacement initial de l’arme et expliqué ma manœuvre.
Attention aux armes à feu : Si votre victime est clairement décédée, on n’y touche pas ! Si la victime est encore en capacité de se saisir de l’arme (comme mon patient aux veines ouvertes) il va bien sur falloir l’écarter. Mais il faut savoir que les résidus de tir présents sur l’arme sont des éléments indispensables à l’enquête scientifique à venir. Si par exemple vous touchez l’arme avec vos gants qui la victime après, il risque y avoir un transfert de résidus. Donc, si vraiment vous devez éloigner cette arme, soit on le fait du bout du pied, soit avec une double paire de gants.
Mais n’oublions jamais ce principe de sécurité : une arme à feu non touchée et une arme qui ne risque pas tirer.
2/ Geler la scène.
Dans le cas (N°1) ou votre patient est encore en vie, il va vous falloir faire preuve d’organisation et de réflexion : je dois agir en priorité sur la victime sans trop abîmer la scène de crime. Rassurez-vous, selon notre expert : ils ont l’habitude ! Si la police scientifique intervient dans le cadre de son enquête en sachant que vous êtes passé par là, ils le prendront en compte. Dans leur formation, on leur apprend à faire la différence entre des indices laissés par le ou les criminels et les traces et objets laissés par les services de secours. Cela ne doit pas pour autant vous dispenser de transmettre à l’équipe scientifique tout vos faits et gestes et la liste du matériel utilisé et abandonné sur place (voir fiche à télécharger).
Dans le cas (N°2) ou la victime est clairement décédée, une seule règle : NE TOUCHER A RIEN.
Ça peut paraître idiot et pourtant c’est tellement courant.
La recherche d’indices va souvent se loger dans des éléments que l’on ne soupçonne même pas. Et c’est d’ailleurs des éléments que ces scientifiques ne nous donneront pas;)
Gardez votre sang froid, soyez professionnels et gardez à l’esprit ces quelques règles :
- On met tout de suite des gants, un masque, une charlotte et des sur-chaussures
- On n’allume pas la lumière. Si vous l’aviez fait, éteignez la avant de quitter la pièce.
- On ne couvre pas la victime ou, si vous n’avez pas le choix, avec une couverture de survie ou un drap stérile
- On n’utilise pas les toilettes et on s’en grille pas une petite avant l’arrivée des forces de l’ordre (si,si, déjà vu!)
- On prend le temps d’observer, d’écouter, de sentir et on fait une photo dans sa tête et pas avec son portable (cela pourrait vous être reproché)
- En attendant les renforts, on empêche quiconque de pénétrer dans les lieux ou de toucher à quoi que ce soit.
Jamais on ne vous reprochera d’avoir « sali » une scène de crime si c’est pour le bien de la victime ou de ces proches. Faites votre travaille de professionnels de santé et d’urgence, la police fera le sien. Restez à leur disposition, transmettez, le travail d’équipe est toujours payant.
Merci à Sophie, Agent Spécialisé de la Police Technique Scientifique auprès de la Direction Centrale de la Police Judiciaire pour son temps, ses conseils, son écoute et sa patience.
Merci à Lou et Ben