C’est l’histoire d’un DEA accompagné d’un conducteur ambulancier dans sa camionnette qui amène son client à la clinique mais sans bon de transport… Vous ne trouvez pas que trois quart de ces mots ne sont pas en adéquation avec un professionnel de santé ?
Le vocabulaire est une chose très spécifique et liée à la langue de chaque pays. Chaque langue possède un vocable plus ou moins riche dont l’usage quotidien est indispensable. Mais dans ces éléments de langage on va aussi trouver une partie dédiée aux relations professionnelles. Et c’est cette partie qui va nous intéresser ce jour.
Moi ? Professeur de langue ? Point du tout ! Ma grammaire étant aussi peu élevée et riche que mon niveau culturel, je n’aurais jamais cette prétention. En revanche, transformer un transporteur sanitaire en ambulancier, voilà ce que j’espère au travers de ces billets. Sachez que ces écrits sont motivés par des faits, des oreilles qui traînent et sifflent de façon régulière : hall d’hôpitaux, entrée des urgences, machines à café et j’en passe. Certes, ce n’est pas systématique et quotidien mais bien assez répétitif pour en faire le sujet de mon article. Et comme vous avez dû le remarquer pour ceux qui suivent les billets d’humeur j’adore mettre mes grosses rangers dans le plat.
Quand le vocabulaire fait de vous un professionnel reconnu
A l’école d’ambulancier, on m’a appris une chose : user d’un vocabulaire spécifique (code commun) et dédié à mon activité pourrait faire de moi la différence entre un professionnel de santé et un livreur de colis. Vous allez me trouver bien fier d’avancer ce genre de propos, irréaliste ou totalement déconnecté. En effet vous aurez raison mais pas en totalité.
L’usage seul du vocable seul ne fera pas de moi un professionnel de santé compétent. Mais associer ma maîtrise et mon savoir à l’usage courant d’un vocabulaire professionnel transmet une image d’un professionnel qui maîtrise son sujet. Ou du moins en donne l’apparence (et oui….)
Le patient il a mal au bide
Quand je vais voir une infirmière et que j’amène un client sur mon chariot, je la préviens que le gazier il va bien, il cause mais il a mal au bide depuis 10 jours et l’arrête pas de gueuler qu’il a mal . « Je suis allé le chercher et l’ toubib l’a laissé un courrier que j’ai pas lu passque j’y comprenais rien et pis on m’adit t’as pas le droit». Comment ça un bilan ? C’quoi ? Il cause, il est tout rouge c’est k’ça va bien. Oh, chef, arrêtez de gueuler, on s’entend plus avec l’infirmière, qui est bien charmante d’ailleurs. Hein m’amzelle, vous êtes bien charmante…
J’ai chargé le bonhomme dans l’camion et transporté le bouzin jusqu’ici. Je vous le pose où ? C’est que j’ai une autre course derrière à faire, j’vais au kiné. Z’auriez le bon de transport siouplait ? Comment ça m’ame simone elle attend son taxi ? Je ne peux pas être au cul d’l’ambu et dans l’vsl. Bon vous m’le faites mon BS ? Beeeeen t’crois qu’mon patron y va faire des courses gratos ?
Splendide n’est-ce pas ? Volontairement tourné de façon disproportionnée, surréaliste, mais pour comprendre un peu le problème qui se pose.
User des bons termes ce n’est pas jouer les bobos parisiens
User des termes destinés à leur usage premier ce n’est pas jouer les docteurs en médecine, ce n’est pas « se la raconter » c’est juste être professionnel. Madame x, née le … et résidant à…(elle a un nom et l’identito vigilance c’est primordial pour ne pas confondre avec un éventuel homonyme). Madame a des douleurs en zone épigastrique/ombilical etc avec une EVA à 8/10 depuis 10 jours. Son médecin a remis un courrier et suspecte une éventuelle …
J’amène donc cette patiente sur mon brancard auprès de l’infirmière pour transmission d’un bilan en vue de la prise en charge. Lorsque j’aurais terminé, j’enchaînerais avec une autre prise en charge urgente ou programmée d’un patient. Pour la prescription médicale de transport (PMT), je verrais plus tard si c’est urgent et en cas de transport programmé je devrais l’avoir à la prise en charge (ainsi sont les règle écrites, pas forcément la réalité nous sommes d’accord).
Ce n’est pas mieux ?
Les termes adaptés ne sont pas des accessoires
Comme on le constate avec les deux paragraphes plus haut, le langage adapté c’est usiter d’un vocabulaire professionnel à l’usage de transmissions de qualité entre des professionnels de santé. L’apparence de l’échange apporte une dynamique supplémentaire tandis qu’on décrit plus spécifiquement l’intervention, son motif. User d’un vocabulaire professionnel c’est se démarquer, apporter le sens qu’on est conscient de l’impact de ces termes, de leur usage.
Parce qu’être reconnu c’est avant tout être professionnel
Ce que je cherche à vous dire au travers de mes écrits ce n’est pas de VOUS transformer en référence bibliophile médicale ou encore en base de données universitaire. C’est plus vous faire adopter les termes professionnels relatifs à la bonne pratique de votre métier et des échanges entre professionnels de santé.
Non, vous n’avez pas de clients, vous avez des patients. La connotation commerciale pour vous, ambulancier, n’a pas lieu d’être. Un chariot ne sert pas à la même chose qu’un brancard. Je fais mes courses avec un chariot. Je transporte et conditionne mon patient sur un brancard. J’ai besoin d’un bon de transport pour livrer un colis d’un point a à un point b, mais j’ai besoin d’une prescription médicale pour effectuer un transport sanitaire.
Je ne dis pas il a mal au ventre. C’est trop vague (et je vous garantis que l’infirmier (ère) d’accueil saura vous le rappeler). Je vais au contraire énoncer des zones du corps humain pour cibler au mieux l’endroit douloureux. Je ne dis pas « elle a mal », je précise que j’ai évalué sa douleur en utilisant l’évaluation verbale analogique de la douleur (EVA). C‘est un outil (et on me forme à l’utiliser) ! Quand j’évalue la conscience d’un patient j’utilise les critères d’orientation dans le temps, l’espace, son élocution, sa conscience. C’est bien plus précis. On peut être conscient mais aphasique, on peut être somnolent etc… Bref, je ne vous apprends pas votre job.
Rappelons qu’il est aisé d’avoir sur son portable, des schémas du corps humain, des listes d’abréviations, des glossaires ou des échelles, tout aussi accessibles que candy crush…
Vous l’aurez compris pour être professionnel il faut être verbeux
Un ambulancier souffre beaucoup. Il souffre de cette méconnaissance du métier de la part du reste de la profession médicale et paramédicale. Il souffre de cette absence de reconnaissance perpétuelle. Mais souvent, et je m’évertue à le rappeler, c’est d’abord et avant tout parce que les comportements ne sont pas toujours, pas suffisamment à la hauteur des attentes. Je ne remets pas en cause les compétences mais les usages, les pratiques quotidiennes qui font la différence.
Vous l’avez compris je ne fustige pas les ambulanciers mais bien les termes usités. Utilisez un langage professionnel fera déjà une différence. Je ne dis pas que ça changera tout mais ça portera avec vous un certain poids, un autre regard de la part du personnel de soin des hôpitaux, cliniques etc. La reconnaissance, ça débute par des gestes simples. L’utilisation d’un langage médical est un premier pas vers cette avancée, cette reconnaissance. Tout comme la tenue de travail finalement….
Si chacun apporte avec soi chaque petite avancée, de la tenue à l’élément de langage en passant par des techniques maîtrisées, des bilans, un comportement… les choses forcément finiront par changer. Mais pour ça il faut du temps, de la persévérance et prendre en compte que les imbéciles resteront des imbéciles. Qu’ils soient ambulanciers, secrétaires, personnel de soin, médecins et j’en passe. Nous, eux, vous, moi. Donc, quand on tombe face à eux, on passe à autre chose et on se concentre sur les professionnels capables de faire changer les choses..