Ambulance missionnée par le SAMU
Une belle chronique ensoleillée. Par un bel après-midi d’été notre ambulance est missionnée par le SAMU pour une décompensation psychiatrique chez un patient schizophrène. L’homme est jeune et athlétique , mais porte déjà le fardeau de sa maladie depuis de nombreuses années. Il vit seul avec sa mère dans une ancienne ferme à la campagne, et a cessé son traitement depuis quelques temps. Agressif verbalement et parfois physiquement avec son environnement, sa mère est à bout et n’arrive plus à lutter seule ; ce jour-là il a saccagé toute sa chambre et une partie du salon.
À notre arrivée il tourne en rond dans son jardin comme un lion en cage et semble branché sur du 220 volts, l’ambiance est électrique, sa mère nous attend impatiemment. On essaie de l’approcher, de discuter, de le raisonner, mais rien n’y fait. Il nous fuit et refuse de nous parler.
Bon… Ça sent l’intervention qui va durer une plombe
Ma collègue persévère à instaurer un semblant de dialogue pendant que je rappelle vite le 15 pour leur expliquer la situation.
Appeler la gendarmerie ? Ils ne se déplaceront que si un médecin rédige une Hospitalisation d’Office. L’homme est menaçant mais pas violent, en tout cas pas envers les personnes pour le moment. Envoyer le SMUR ? La réponse est catégorique, c’est non. On ne mobilisera pas toute une équipe médicale pour venir faire une simple piqûre de tranquillisant. La solution envisagée est d’envoyer le médecin traitant au domicile pour sédater un minimum le patient afin qu’on puisse l’emmener sereinement. Reste à trouver un médecin en plein été, en pleine campagne, et disponible rapidement. Je sens que c’est pas gagné…
Plusieurs dizaines de minutes s’écoulent, pendant lesquelles notre récalcitrant ne cessera de faire des aller-retours entre sa chambre et le jardin, menaçant régulièrement de prendre sa voiture pour s’en aller (sa mère a heureusement caché les clés).
À un moment donné il se réfugie même dans une vieille grange. Instant de stress :
« Il n’y a pas d’arme au moins , un fusil ou autre ?? »
« Pas d’arme à feu, mais une vieille hache. »
Je nous imagine déjà fuir devant un psychopate enragé et faire un remake de Shining grandeur nature ; je me demande l’effet que peut faire un coup de hache rouillée sur le coin de la tête.
Heureusement rien de tout ça, ouf…
Le médecin arrive enfin, ou plutôt la médecin. Une petite doctoresse remplaçante, jeune et surtout enceinte de bientôt 6 mois. Elle se demande dans quoi elle s’embarque, ne connaît absolument pas le patient et me confie immédiatement ses craintes, surtout de prendre un mauvais coup dans le ventre. Elle me prévient :
« Si ça dégénère, je m’en vais ! Où est votre collègue ? »
« Elle est avec la maman dans la maison. »
« Ah…. Elle ? Donc vous êtes le seul mec ici ? »
Je vois dans ces yeux que ma musculature impressionnante (hum hum) ne la rassure guère, bien au contraire. Loin de moi toute misogynie ou machisme déplacé, mais si ça tourne mal, c’est pour ma pomme. Entre une doc enceinte, ma collègue de 40 kilos et une maman exténuée, je me sens quand même un peu seul dans cette histoire…
Une dose de tranquilisant
Après moults dialogues l’homme se laissera injecter une dose de tranquillisant. La médecin flippe à mort, on reste au plus près afin de pouvoir réagir vite si ça se passe mal. Piqûre ok, reste à attendre que ça fasse son petit effet, ce qui ne devrait normalement pas être long.
Le patient regagne sa chambre, se couche. Une fois calmé on pourra enfin l’emmener. On prépare le brancard, on attend avec notre chaise portoire au bas de l’escalier. Les minutes s’écoulent, longues et silencieuses. Soudain il redescend quatre à quatre et reprend son manège interminable sous nos regards incrédules, comme si de rien n’était.
Concertation avec la médecin : il faudrait peut-être lui refaire une piqûre ? Elle n’a que peu d’expérience de ce genre de situation et ne sait pas trop quelle(s) dose(s) lui administrer sans danger. Heureusement, le SAMU est notre ami, elle l’appelle, dialogue quelques minutes : « C’est bon, on peut lui refaire une piqûre. »
On prend les mêmes et on recommence donc à parlementer, l’homme se laisse faire.
« Bon là, normalement, vu la dose, il devrait somnoler ou s’endormir ! »
Pourtant rien n’y fera, notre patient ne se calmera jamais vraiment, mais, Ô miracle, quelques minutes plus tard il ira monter de lui-même dans l’ambulance.
Soulagement pour tout le monde et trajet sans encombre jusqu’aux urgences ! 2 heures d’intervention, un téléphone professionnel qui n’aura pas arrêté de sonner (on avait normalement d’autres missions non urgentes de prévues), mais au final plus de peur que de mal heureusement.