Anecdote d’ambulancier : ballade de santé avec Callaghan

par | 7, Fév 2012 | Chroniques d'un ambulancier

Ma ballade avec Callaghan, binome ambulancier

Me demande pas d’où lui vient ce surnom, j’en sais rien. Toujours est-il que des interventions, on en a fait un paquet, lui et moi. Un binôme qui m’était particulièrement cher. Voici l’une de ces interventions. Rien d’extraordinaire. Juste un moment béni…

Par une matinée grise, froide et enneigée de janvier, nous avions été appelés par le SAMU pour le motif d’un accouchement inopiné sur les hauteurs de la vallée de Munster, dans un chalet en direction du Lac des Truites, appelé aussi par les gens du cru en Alsacien, le « Forleyweier », à environ 1100 mètres d’altitude. Un VLM du SMUR de Colmar était sur le départ dans le même temps. Partant de Colmar, xénons bleus allumés et sirènes hurlantes vu l’état de la route, nous avons pris la direction de Munster, à quelque 18 kilomètres à l’ouest, au fond de la Vallée de Munster, justement: ça tombe bien.

Les automobilistes, prudents sur la route un peu enneigée, ne dépassaient pas les 60 Km/h et se rangeaient sagement quand, dans leurs rétroviseurs, ils nous voyaient débouler plein phare. Callaghan, un virtuose du volant, connaissait les limites exactes de l’ambulance ainsi que les siennes. De mon côté, je spéculais sur la route la plus praticable pour parvenir au Lac des Truites, plongé dans mes cartes. Pas de GPS à cette époque, et de toutes façons, le GPS, ça aurait été moi…

Un moment donné, alors qu’il nous restait environ 9 kilomètres à parcourir, j’ai levé la tête des cartes par hasard et mes yeux ont accroché un point dans le ciel, au-dessus de Munster.

J’ai dit à Callaghan:
– » Regarde à 1h00, environ 600m/sol, 8 kilomètres devant nous, c’est Charlie-Mike, l’hélico du Peloton de Gendarmerie de Montagne.
– Tu crois que c’est pour l’accouchement ? me demande-t-il.
– Ben ouais, j’imagine. Mais s’ils évacuent la bonne femme par hélico, qu’est-ce qu’on fout ici ?
– Rappelle le 15 et rends compte. Demande-leur s’ils ont déclenché la tondeuse. »

J’ai donc pris mon portable et une fois que j’avais le PARM en ligne, je me suis présenté, donné l’indicatif de l’ASSU et lui ai précisé que Charlie Mike, l’indicatif de l’hélico, prenait lui aussi la direction des crêtes vosgiennes. Le PARM (Permanencier Auxiliaire de Régulation Médicale) a alors consulté le MR (Médecin Régulateur) puis m’a repris en ligne :
« ASSU 31 Colmar de SAMU, personne ici n’a déclenché l’hélico. Vous poursuivez comme prévu, vous rendez compte et bon courage avec toute cette neige !
– Ok. Merci ! »

Je raccroche mon cellulaire.
« – Bon, Callaghan, le SAMU n’est pas au courant, on a ordre de poursuivre sans tenir compte de l’hélico.
– Ouais mais alors qu’est-ce qu’il fabrique ? À tous les coups on se sera fait chier pour rien dans la neige et la gadoue sur un chemin forestier de merde et quand on sera sur les lieux, ça va pas louper, on verra l’hélico décoller avec la bonne femme à bord…
– Y’a des chances. Bah, ça nous fera une balade. »

Peu avant l’entrée dans Munster, le SMUR nous a dépassé et ouvert la route. Ça tombait à pic parce que traverser Munster en direction des cols, c’est totally insane avec tous les touristes qui montent vers les stations de ski en cette période d’hiver.

Dans les roues du VLM, Callaghan a switché le commutateur permettant de passer du trois-tons ambulance au deux-tons SAMU. On était au diapason avec le SMUR et les voitures s’écartaient soigneusement pour nous laisser passer.

Habitant Munster depuis un bout de longtemps, connaissant la vallée par cœur, j’ai repris mon portable, consulté le répertoire et, ayant trouvé le numéro de portable du véhicule du SMUR roulant devant nous – indicatif : AORTE 21 -, je me suis mis en contact avec le médecin pour lui faire la navigation en temps réel. Je leur ai indiqué le chemin jusqu’au bout, là où la petite route goudronnée et salée laissait la place à un chemin forestier enneigé. Là, plus possible d’avancer dans 60 centimètres de neige compacte. Ni pour le SMUR ni pour nous.

Une fois tout le monde hors des véhicules, de la neige jusqu’à mi-cuisses, le toubib m’a demandé :

– » Jean, c’est où ce foutu chalet ? »

Je lui ai répondu qu’il se trouvait à environ huit cents mètres en ligne droite à travers les bois direction nord-ouest, ou alors minimum deux kilomètres par le chemin. Et que si on coupait par les bois, on mettrait autant de temps sinon plus, sans raquettes aux pieds. Tout le monde s’est regardé en secouant la tête. On était bloqués, ça, c’était un fait.

Pile à ce moment-là, un Skidoo des gendarmes de secours en montagne à déboulé d’on ne sait où, avec une remorque montée sur patins. Le sous-off’ a alors fait monter dans la remorque le toubib, Lucinda l’infirmière, l’ambulancier SMUR et leur matos, en précisant que l’hélico était en stand-by à proximité du chalet, prêt au take-off. Callaghan et moi, laissés seuls dans la petite clairière, nous sommes regardés et puis on s’est roulé chacun une cigarette en attendant la suite des opérations.

Il faisait froid, mais si dans le bas de la vallée il tombait de la neige fondue sous une couche de nuages, nous, nous étions au-dessus, si bien que le ciel bleu et les rayons obliques du soleil nous tenaient compagnie.

On était bien là, dans le silence calfeutré des bois enneigés, avec d’antiques et vénérables sapins dont les branches ployaient sous la neige. Au bout d’une demi-heure, la joyeuse équipe du SMUR s’est pointée, cramponnée aux rebords de la remorque tirée par le Skidoo, tous congestionnés par le froid.

Le toubib tirait la tronche, Lucinda souriait et l’ambulancier SMUR, un collègue de notre compagnie d’ambulances, de permanence au SMUR ce jour-là, ben lui il était hilare… Au même moment, putain, la turbine de l’hélico a émis son sifflement caractéristique en passant au-dessus de nos têtes et la machine a mis cap sur l’hôpital, sans médicalisation. Le col de la dame n’était pas encore dilaté, et, évidemment, elle n’avait pas encore perdu les eaux, bref, un coup pour rien…

Le toubib a alors sorti sa pipe, l’a bourrée de tabac puis l’a allumée, secouant la tête, en disant :
– » Mais que les gens sont cons !!! Qu’est-ce qu’elle avait à paniquer pour une contraction de rien du tout…? »

Callaghan l’a alors charrié en lui disant:
– « Regarde donc où t’es. On est à 1000 mètres et des patates au milieu d’une forêt enneigée avec tous ces sapins… C’est pas magique ici ? On se croirait dans un tableau, non ? »

Le toubib a enfin souri en répondant que ouais, cet intermède lui avait au moins permis de quitter le business des urgences de l’hosto pour admirer, il est vrai, un beau paysage…
Evidemment, pour sortir l’ASSU de ces congères à la con, on a transpiré. Mais au bout d’un bout, on est parvenus à la sortir de là… Le secours en montagne…

Rien à voir avec une intervention en milieu urbain. Surtout en hiver ! Nous avons alors pris la direction du plancher de la vallée en signalant au SAMU que la prise en charge avait été effectuée par Charlie-Mike, l’hélico. Arrivés à Munster, nous nous sommes paresseusement laissés guider par le flot de la circulation et sommes rentrés à la base tandis que le VLM rejoignait le garage SMUR des urgences de l’hôpital Pasteur, à Colmar lui aussi.

https://www.ambulancier-lesite.fr//intervention-en-chier-avec-dudul/Saison d’hiver oblige, pour la prochaine intervention, je t’emmènerai avec Dudul et moi dans un chalet du coin, où, avec de la neige gelée jusqu’au cou, on en a chié sévère pour se sortir d’une putain de congère dure comme du granit à bord de notre ASSU Tout-Terrain (la “Warrior-mobile“), avec un patient dans les choux en train de comater à moitié sur le brancard .

a9816ccc0092a34ed772711c9f46c1d9 Ambulancier : le site de référence Anecdote d'ambulancier : ballade de santé avec Callaghan

Jean LAENGY - Ambulancier DE

Ambulancier SMUR depuis 2001, j'ai commencé dans ce métier en 1995 en tant qu'AFPS. Une fois mes qualifications en poche, j'ai eu la chance de voyager dans le cadre de ma profession. SMUR de Colmar puis ambulancier à Biarritz en passant par le SMUR de Montbéliard avant de revenir en Alsace où j'ai entamé des études d'infirmier. Trouvant à travers mes stages le métier d'IDE peu intéressant car trop protocolaire, je suis retourné sur le terrain de l'UPH et de la PDS en tant qu'ambulancier DE. J'exerce toujours ce métier avec la même passion qu'aux débuts.

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