Anecdote d’un ambulancier, une de plus
Une anecdote d’ambulancier, une de plus, et toute fraîche de ce soir qui m’est adressée par une ambulancière. Une histoire d’ambulancier, de transport, de vie. Une anecdote de plus qui existe pour expliquer que notre quotidien n’est pas tel qu’il est perçu par ceux qui nous entourent en dehors du milieu professionnel. Une histoire qui bouleverse et qui démontre la difficulté que l’on peut rencontrer parfois, les liens qui peuvent se créer avec les patients. La profession d’ambulancier ne requiert pas que des capacités physiques mais aussi un sacré mental d’acier pour faire face à des situations parfois difficiles mais aussi heureuses.
Garde de nuit
Bonjour, je suis Ambulancière Diplômée d’Etat et ce que j’ai vécu ce weekend, je voudrais vous le raconter. Un « simple » transport sanitaire, en garde SAMU. J’étais de garde nuit, samedi 6h du mat’. Le téléphone sonne, mon collègue prend l’appel. De mon lit, je l’entends discuter dans la chambre à côté. Hop je me prépare psychologiquement à devoir m’extraire de mon duvet. Il discute encore… C’est long. Je n’ai pas envie de bouger, je suis fatiguée, je n’ai pas envie… Silence… Il va venir me réveiller… Je l’entends, il discute encore.
Le téléphone sonne
C’est trop long, ce n’est pas un appel du 15. Je referme les yeux… Il discute toujours, puis grand silence. Il se lève, il va venir… Non, il est dans la cuisine, il se fait un café… Qu’est-ce qu’il se passe ? C’est 6h15 (non, en vrai, c’est 5h15 avec le changement d’heure) je suis fatiguée… Je me lève, il faut que je sache…
Il m’explique :
« Le téléphone a sonné vers 3h, c’était les parents de C… »
« C » est une jeune fille d’à peine 19 ans, une patiente à nous. Elle a une maladie grave avec dysfonctionnement de son foie. Elle est en attente d’une greffe.
« L’hôpital a appelé, ils l’attendent ce matin, vers 8h30-9h. Elle va avoir un foie. »
Un don, un organe, une vie sauvée
Etant donné que nous sommes de garde, mon collègue les a orienté vers le 15 qui nous a alors nous a rappelé pour nous donner la mission. On va y aller, mais là c’est trop tôt. Alors, on attend. « C. » je la connais, je pense à elle… Je suis contente…. Un café…. On reste silencieux… Samedi, pleine nuit, peut être un accident… un mort, un foie, une vie…
C’est 7h, il faut y aller. On n’est pas en urgence, on est en avance, il faut y aller… On arrive, toute la famille est debout. Papa est heureux, maman aussi. « C » pleure, elle a peur. La dernière fois qu’elle est partie à l’hôpital : septicémie. Elle est restée 15 jours en coma artificiel. Je suis chamboulée… Fais ton travail… Ne t’impliques pas…. Prends les constantes…. Rassures-la…. Je ne sais pas quoi dire.
Direction l’hôpital
On part, papa monte avec nous, « T » le petit frère aussi; pas capable de lui dire non; ils sont heureux. « C » prend son doudou. Je comprends, elle ne dit rien, moi non plus… On roule, silence, je lui souris mais ça sonne faux mais elle le sait : trop d’émotions… On arrive dans le service. Tout le monde l’attend. On l’installe, un dernier mot, je souris encore : ça va aller. Papa nous remercie.
« Donnez-nous des nouvelles…. »
Une vie qui part, une autre repart
On rentre, tout se bouscule, je reste silencieuse, je suis heureuse, je pense à la famille, l’autre… Celle qui vient de prendre un père, un frère, un enfant… Je suis triste… Je ne sais plus… Dimanche 23h30, le téléphone sonne,
« Le SAMU ? »
« Non, c’est le papa de « C », elle va bien. »
Je suis heureuse, l’opération s’est bien passée, il veut nous remercier… C’est moi qui vous remercie…