Syndrome post traumatique ou ∑ post-traumatique, un peu d’histoire
Pour découvrir quand est né ce concept de PTDS, il nous faut remonter au 26 février 1972, dans la petite ville minière de Buffalo Creek, W.Va (Virginie Occidentale). Comme l’indique le livre, écrit après une minutieuse enquête de plus de 3 ans menée par Gerald Stern, le PTDS, ou plutôt son concept, a été découvert peu après ce désastre humain…
Flashback à Buffalo Creek 26 Fév. 1972, 8:00 a.m: Denny Gibson, ingénieur sur le barrage de retenue d’eau en amont de la ville minière, découvre – après les pluies torrentielles que cette région de Virginie Occidentale a subi depuis quelques jours – que le niveau de l’eau a largement dépassé la cote d’alerte.
Denny Gibson n’aura jamais le temps de passer l’alerte. Dans les instants qui suivent, le barrage cède et ce ne sont pas loin de 500 millions de mètres cubes d’eau et de débris flottants qui se déversent dans la vallée de Buffalo Creek, balayant tout sur leur passage. En moins de 3 minutes le bilan est déjà très lourd: 125 morts, 1 100 blessés et plus de 4 000 personnes désormais sans abri. Un désastre sans précédents…
Les paramedics du comté et de tout l’Etat vont mettre des heures et des heures à parvenir sur les lieux, inaccessibles à cause des dégâts matériels et des routes rayées de la carte. D’autres personnes, nombreuses, vont encore trouver la mort entre ce jour du 26 février 1972 et l’arrivée des secours, bien plus tard. Noyade, hypothermie, polytraumatismes divers…
Quand enfin les EMTs arrivent sur les lieux, tout n’est plus que désolation. Les survivants dans la vallée sont choqués. Des cadavres et des ruines de maisons flottent. Des blessés partout… Un massacre ! Une ou deux semaines plus tard, les survivants commencent à développer des crises d’angoisse majeures, des raptus nerveux, font état de cauchemars, deviennent paranoïaques, violents pour certains.
Des médecins, des psychiatres et des chercheurs de l’Université de Virginie Occidentale, située à Morgantown, se rendront sur les lieux pour s’entretenir avec les rescapés. Il en ressortira un concept associant plusieurs symptômes qu’ils appelleront le “Post Traumatic Disorders Syndrom“.
Syndrome post traumatique : qu’en est il aujourd’hui
Aujourd’hui, ce syndrome est reconnu partout dans le monde par les autorités médicales. Il touche les victimes d’agressions, d’actes terroristes, les victimes de guerre et bien entendu, les soldats… Les examens cliniques et paracliniques (scanner, IRM), ne révèlent aucune lésion organique.
En revanche, les victimes développent a posteriori globalement toutes les mêmes symptômes: cauchemars, anxiété, insomnies, asthénie, amplification du préjudice. Le chemin vers un syndrome dépressif majeur et chronique est quasi systématique et la prise en charge hospitalière se base toujours sur la psychothérapie et l’administration parallèle de psychotropes (anxiolytiques et anti-dépresseurs)
La prise en charge du Syndrome post traumatique par l’ambulancier
Pour ce qui nous concerne nous, médico-techniciens pré-hospitaliers, au même titre que les Sapeurs Pompiers, la prise en charge est délicate puisqu’elle nous expose, de par son retentissement au vu de l’ampleur de la catastrophe, à un préjudice psychologique qu’il ne faut jamais négliger.
De manière générale, il nous faut garder à l’esprit que les gyrophares ou les feux à éclat, le bruit des sirènes, les gémissements d’autres victimes et les conditions climatiques défavorables majorent le stress de la victime dont on s’occupe. Sans parler des interjections de badauds, ou de la stupéfaction des secouristes devant l’ampleur de la crise…
Au-delà de la prise en charge physique ou physiologique, c’est en premier lieu la “sauvegarde psychologique” qu’il nous faut traiter en tentant de faire disparaître ou au moins d’atténuer les facteurs mentionnés ci-dessus. Puis l’écoute: laisser parler la victime dont on est en charge, en tenant compte des réactions de stress dépassé, telles que la sidération, la fuite panique individuelle, la réaction anxieuse aigüe voire même, dans les cas extrêmes, la réaction délirante…
La victime peut se mettre à délirer, donnant parfois un sens mystique à ce qui vient de se passer (”C’est l’Armaggedon !“, “La fin du monde est proche !” etc…). La victime peut aussi prendre à partie la foule présente, et la haranguer en ces termes mystiques…
Il faudra s’adapter à la victime quoiqu’il arrive, en mobilisant toutes nos ressources. Il n’y a pas de protocoles pré-définis sauf ceux élaborés par des techno-bureaucrates. Mais sur le terrain, c’est notre ADAPTABILITÉ qui fera la différence. La mise en place de CUMPs* tend à se systématiser (pas forcément toujours à bon escient). C’est un grand pas vers la reconnaissance en tant que “VICTIMES” des rescapés. Le devenir de ceux-ci est intriqué de manière étroite avec l’efficacité du travail que nous aurons pu faire en amont, avant la prise en charge par une CUMP*
(* CUMP: Cellule d’Urgence Médico Psychologique)
Source: l’excellent bouquin de Gerald M. Stern, “The Buffalo Creek Disaster“, publié à New-York par Random House – hélas pour les francophones, il est écrit en anglais