Dépendre enfin du ministère de la santé : cette volonté persistante des ambulanciers

par | 4, Déc 2020 | Les billets d'humeur de l'ambulancier

Suite à un précédent billet d’humeur fort acide mais aussi fort réaliste quant aux récriminations du moment, je me suis dit qu’il serait peut-être temps de couper court à une idée qui circule depuis de nombreuses années. Couper court dans le sens où j’aimerais ramener certains orateurs enflammés sur terre et leur rappeler que les récriminations qu’ils émettent n’ont pas ou peu de valeur. Mais aussi amener les ambulanciers à aller plus loin dans cette réflexion. La question débat du jour c’est

«  Pourquoi l’ambulancier ne dépend il pas encore du Ministère de la Santé ? »

Remettons en place certaines choses qui, je le reconnais, sont un peu archaïques, dépassées mais pourtant existantes. Des choses qui sont en partie due à une administration typiquement française : parfois (voir souvent) lourde et pleine de non-sens (c’est une opinion personnelle). L’ambulancier dépend du ministère des transports quant à sa convention collective qui le régit. Mais son diplôme et sa formation sont enseignés par le Ministère de la Santé et ses collaborateurs. Le diplôme lui est délivré par la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS).

Le rôle de la profession et ses missions, le contrôle et la délivrance des agréments sont « sous tutelle » de ce même ministère au travers des Agences Régionales de Santé. Nous avons donc deux choses assez opposées et bourrées de non-sens. D’un côté le professionnel de santé, puisque l’ambulancier est bien un professionnel de santé : Code de Santé Publique, 4 4ème partie, Livre III, Titre IX, chapitre 3, articles 4393-x. Mais de l’autre son statut salarial placé sous le régime du ministère des transports. C’est et c’est aussi mon opinion, une forme de paradoxe. L’ambulancier est considéré comme un professionnel de santé pour le diplôme, missions dont celles du centre 15 etc, et « routier » en terme de représentativité professionnelle.

Gouvernement, question/réponses

Je vous prouve dès à présent que le gouvernement sait, et a déjà été interpellé moultes fois quand à cette question et que les réponses existent.

  • Question publiée au JO le : 11/06/2013 page : 6034
  • Réponse publiée au JO le : 19/11/2013 page : 12016
  • Date de changement d’attribution: 18/06/2013

Texte de la question

Éric Alauzet attire l’attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur le statut des ambulanciers salariés du secteur privé. Le transport sanitaire est un secteur méconnu, qui fait souvent l’objet de critiques quant à son coût de revient pour la sécurité sociale.

Pourtant, ce secteur est actuellement porteur et devrait le rester, étant donné les prévisions en termes de vieillissement de la population, et les orientations de la politique sanitaire. Ces orientations, qui visent à une organisation des soins concourant globalement à la maîtrise des dépenses de santé, laissent penser que le nombre de transports médicaux pourraient s’accroître dans les années à venir, faisant ainsi de la profession d’ambulancier un élément essentiel de l’alternative à l’hospitalisation moyenne durée (hospitalisation à domicile, chirurgie ambulatoire, etc.).

Face à ce constat, les ambulanciers français et les entreprises dont ils font partie sont une ressource pour le pays, et représentent un secteur qui devrait être pourvoyeur d’emplois dans les prochaines années, puisqu’il devra recruter pour s’adapter à une demande accrue et répondre aux attentes des patients transportés.

Or, si cette profession crée de l’emploi, elle n’est pas valorisante pour ses salariés, puisque la profession d’ambulancier dans le secteur privé reste, en 2013, l’un des rares métiers non rémunéré à 100 % (mais à 90 % en journée et à 75 % la nuit et le week-end), comme le sont également les transporteurs routiers. S’ajoute à cette situation un taux de rémunération qui demeure bas (10,40 €/h pour un ambulancier diplômé d’État et 9,43 €/h pour un auxiliaire) sans que ne soit prises en compte leurs responsabilités en tant que professionnels de santé.

Ces faibles conditions salariales, cumulées aux contraintes du métier (horaires, vie de famille morcelée, pénibilité du travail, maladies professionnelles, obésité, distances entre les établissements de santé, violence,..) expliquent qu’en dépit du fait que ce secteur demeure solide pour l’emploi, il souffre d’un fort turnover du personnel (sept an en moyenne) et d’une mauvaise reconnaissance.

Cette profession dépend aujourd’hui du ministère des transports. Toutefois, eu égard aux attributions que leur confère leur métier – implication lors des interventions de secours à personne, surveillance et accompagnement prodigués aux patients entrant ou sortant des établissements de santé et de soins, compétences acquises au quotidien -, les ambulanciers souhaiteraient que cette tutelle soit modifiée, afin de dépendre du ministère de la santé. Il lui demande quelles mesures il entend adopter afin que soit aménagé le statut des ambulanciers salariés du secteur privé, pour une meilleure reconnaissance du travail accompli et du service rendu aux particuliers, et dans l’objectif de renforcer un secteur de l’emploi porteur pour l’avenir.

Réponse : Même si le ministère des affaires sociales et de la santé exerce une tutelle organisationnelle sur la profession, l’encadrement des relations salariales au sein des entreprises de transports sanitaires relève du ministère des transports. En effet, celui-ci n’exerce pas de tutelle sur les ambulanciers diplômés d’Etat, mais les ambulanciers diplômés d’Etat salariés d’entreprises sont rattachés pour leurs relations de travail à la convention professionnelle du transport routier.

S’agissant des attributions que confère le métier d’ambulancier, il revient au ministère chargé de la santé d’établir les règles d’organisation, de formation, les conditions d’interventions des équipes ambulancières à la demande du SAMU-centre 15 ou d’un médecin : le ministère chargé de la santé exerce ainsi pleinement sa tutelle sur la profession et participe ainsi, avec les professionnels, à améliorer la qualité du service rendu à la population

Je doute de pouvoir proposer réponse plus claire et mieux argumentée, avec en plus une source issue directement du gouvernement. Donc ce que j’ai avancé comme argument se confirme. Dire que c’est une logique imparable je suis totalement en désaccord. Mais mes raisons sont autres.

Quand l’ambulancier demande la reconnaissance

Définition : Sentiment qui incite à se considérer comme redevable envers la personne de qui on a reçu un bienfait : Témoigner sa reconnaissance à quelqu’un.

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/reconnaissance/67116

Je lis très régulièrement comme motif valable de bascule vers le ministère de la santé ce besoin de reconnaissance. Je ne vais pas prendre de gants et vous exposer les choses de façon différente. Le personnel hospitalier qu’il soit médecin, infirmier, aide-soignant et j’en passe sont tous des professionnels de santé régis par le ministère de la santé. Je me demande si les voix qui se lèvent pour réclamer ce besoin de reconnaissance via un changement de ministère se sont posées la question suivante : ont-ils demandé aux personnels hospitaliers si le fait d’appartenir au ministère de la santé leur aurait apporté une reconnaissance et ce, depuis ces nombreuses années ?

Ces nombreuses années où le système de santé actuel, le monde hospitalier ont subi des restrictions budgétaires sans limites, des coupes franches dans le personnel, un manque cruel de moyen et j’en passe et des meilleures. Ces cris et ces coups de gueules répétés de la part des personnels émis vers le gouvernement à de nombreuses reprises et demeurés sans réponse. Jusqu’à aujourd’hui certes mais ça c’est autre chose et sous réserve de. Est-ce que ces nombreux personnels gérés par le Ministère de la santé ont un sentiment de reconnaissance particulier de la part de leur ministère ? Personnellement j’oserais répondre pour eux et dire que non, la reconnaissance n’est pas vraiment une référence à avancer comme argument… C’est même l’inverse.

Pourquoi demander alors ce ministère ?

La logique voudrait que oui l’ambulancier, professionnel de santé, diplômé du ministère de la santé soit régi par la convention collective du ministère de la santé. Pour faire simple ça aiderait déjà à sortir de cette Convention Collective des Transports Routiers où une profession qui travaille dans des conditions difficiles et compliquées soit rémunérée de façon équilibrée par rapport à son statut et non sous des rafales d’avenants , de pseudos pauses obligatoires censées être non travaillées et j’en passe.

Car là c’est plus plausible. On parle alors de revendications salariales et non plus de pseudo reconnaissance ou autres arguments fallacieux. Le problème est que la convention collective des transports routiers, avec son chapitre transport sanitaire est un non sens et génère des gros problèmes. Mais je ne suis pas un spécialiste des questions syndicales et autres pour détailler l’ensemble. Si certains spécialistes du domaine m’apportent des contre arguments je suis et reste ouvert. Je ne détiens pas la science infuse et je ne voudrais offusquer personne.

Attention aussi à l’amalgame ministère de la santé = soignant ! Regardez les collègues ambulanciers SMUR représentés par l’AFASH. Ils sont considérés non pas comme soignant mais comme personnel de la filière ouvrière et technique de la catégorie C de la fonction publique hospitalière. Et ils se battent becs et ongle pour pouvoir changer ce statut en actif qui leur fait défaut depuis très longtemps. Comme vous le constatez la bascule n’est pas aussi simple même pour le côté des conditions de travail.

Changer de ministère : la profession évoluerait elle

Un changement de ministère facilitera t’il l’application des règles, lois et autres protocoles dans les entreprises ? Pas si sûr mais j’en garde espoir. Les entreprises étant déjà sous surveillance des Agences Régionales de santé, qui sont les représentations du Ministère de la santé au niveau régional (je détaille au cas où),  je doute que ça apporte une révolution du système. Donc ne rêvez pas si aujourd’hui c’est déjà litigieux, les choses ne changeront pas grand-chose. On m’a parlé des tenues et de l’uniformisation etc. C’est déjà obligatoire ! Et au passage non le jean n’est pas une tenue professionnelle au sens propre même si oui c’est bleu. Bref passons.

Si aujourd’hui ce n’est pas respecté pourquoi ce serait le cas après ? Est-ce qu’à un moment donné le problème ne se situe pas dans l’application stricte des textes par les organismes de contrôle, l’application de véritables sanctions fortes et non pas de petites tapes sur les fesses avec la promesse de ne plus recommencer ? Combien d’entreprises réfractaires, hors la loi, recueillent juste des recommandations, dans de très rares cas des suspensions, voire encore plus rarissime voire inexistant d’annulations d’agrément (et pourtant dieu seul sait que certains le mériteraient…).

Pourquoi certains collègues, qui s’en fichent royalement au quotidien, basculeraient d’un coup vers le concept de l’ambulancier professionnel alors qu’ils exercent sans se poser de question à faire le livreur de colis ? Parce que sous l’étiquette Ministère de la Santé l’ambulancier deviendrait mieux reconnu, mieux considéré ? Alors avant toute chose je vous donne quelques pistes à explorer en premier lieu.

Une réelle prise de conscience générale dans la profession une utopie ?

Je parle d’utopie parce qu’à force de brasser des rêves on finit par abandonner et baisser les bras. Une utopie de voir la profession s’organiser pour qu’elle devienne non pas irréprochable mais tout du moins suffisamment représentative d’un ensemble de professionnels impliqués, sérieux et investis. Combien râlent contre les pompiers, combien souhaiteraient travailler sur les modèles étrangers. Mais pourquoi ?

Tout simplement car ce sont des organisations structurées qui oeuvrent pour le patient, qui sont des professionnels investis, reconnus en tant que tels et qui n’affichent pas en gros et en rouge : rentabilité. Oui la logique financière est inévitable pour que chacun soit payé je ne remets pas le sujet en cause. Mais qu’en est-il de la face « professionnels de santé » ? Inexistante ou trop peu et roulée sous le tapis.

On passe donc pour des incapables avec des véhicules sales, mal équipés, des ambulanciers sans tenue, en talon, en basket, en jean, en tong et OUI EN 2020 ON EN TROUVE ENCORE ! Un brancard préhistorique avec des draps d’une couleur douteuse. Des couettes à fleurs en lieu et place de couvertures bactériostatiques, parfois pas d’oxygène ou sans kit de protection. Des mots comme « bon de transport » au lieu d’une prescription médicale. Choix risible ?

Alors avant de vouloir changer

Donc avant de vouloir changer de ministère et prendre la Bastille réfléchissez un peu aux arguments avancés. Je ne vous le cache pas je ne détiens ni la science infuse, ni les arguments parfait. Je me trompe peut être mais je pense avoir quelques éléments de départ. Mais comme toujours je reste ouvert à des contre argument construit, qui peuvent vraiment expliquer en quoi je suis dans l’erreur.

A celui qui me ressortira encore une fois que je suis incapable de comprendre la frustration de la profession, ou un autre, qui me reprochera d’être déconnecté du métier je l’invite d’abord à s’informer sur mon parcours. La différence qui existe c’est celle de croire en quelque chose de cadré. Même si ça reste souvent démoralisant.

Pour ma part le passage de l’ambulancier vers le Ministère de la Santé devrait apporter une (R)évolution de la profession avec lui une véritable reconnaissance du métier passant par une formation plus accrue des ambulanciers et non pas des recyclages aussi éloignés, une application plus stricte des règles et des contrôles pour que l’ensemble des entreprises soient évalués de la même manière avec les mêmes critères de sérieux, et pourquoi pas la scission en deux branches distinctes du métier comme c’est évoqué depuis des années ici et là. Une façon de séparer les transporteurs sanitaires et les transports de soins et d’urgence. Mais on aborde un sujet qui existe depuis de nombreuses années.

Bref il y aurait de vastes possibilités qui ne seraient applicables qu’après une réelle mise à plat du système actuel qui mélange actuellement les chefs d’entreprise du type « financier du transport sanitaire » et de l’autre côté des chefs d’entreprises impliqués dans le secours à personne et la profession d’ambulancier. Il existe une organisation professionnelle, une fédération pour ne pas la citer, qui se bouge actuellement pour forcer les portes et faire bouger les choses. Espérons qu’elle arrivera à faire ce que beaucoup ont songé à demander, voire essayer de faire sans y arriver aujourd’hui. Car le combat se fait à l’usure malheureusement.

Aidez moi alors à argumenter

J’attends justement pour pouvoir être en mesure de proposer un article dédié : « Pourquoi l’ambulancier doit-il dépendre du ministère de la santé ? » vos arguments les plus pertinents  afin de m’aider à construire un argumentaire solide. Une réflexion qui pourrait se baser sur VOS arguments, VOS idées et non pas celles de personnes ou organisation extérieures à la profession.

Vous l’avez compris ce billet n’est pas à charge mais bien destiné à recentrer le débat. Pour pouvoir mettre en avant ces revendications que vous avez tous et toutes mais de façon légitime. Une façon aussi de rédiger quelque chose qui sera basé sur les doléances des ambulanciers. A vos claviers les commentaires vous sont ouvert, et ma boite mail aussi !

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cca75d1ebfde847ffe6ffee493a579e5 Ambulancier : le site de référence Dépendre enfin du ministère de la santé : cette volonté persistante des ambulanciers

Franck SIMON

Ambulancier Diplômé, j'ai crée ce site en 2009. Je souhaitais mettre à la disposition de tous un outil d'information à but pédagogique pour centraliser le plus d'informations possibles sur le métier d'ambulancier et ce qui l'entoure. Passionné par mon job j'essaie d'apprendre à chacun à mieux connaitre la profession et en parallèle offrir à mes collègues un outil pour garder leurs acquis à jour, et valoriser cette profession méconnue et mal aimée. Spécialiste du billet d'humeur acide j'aime bien taquiner mes collègues sur des sujets sensibles et enfoncer des portes

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