Les ambulances du Val d’Orbey

par | 15, Fév 2010 | Ambulancier, les portraits de professionnels

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Les ambulances du Val d’Orbey, présentation

Aujourd’hui je vous présente monsieur Christophe DURRHEIMER gérant de la société Ambulances du Val d’Orbey en Alsace. Jeune et dynamique il a accepté mon « interview » avec beaucoup de gentillesse et a surtout pris le temps de répondre à mes nombreuses questions. Portrait d’un jeune chef d’entreprise qui nous dévoile le quotidien d’un « patron » :

Bonjour monsieur DURRHEIMER Pourriez vous présenter votre entreprise (missions, personnels, moyens) ?

Mon entreprise : Ambulances du Val d’Orbey (www.ambulances-web.com). Nous assurons l’ensemble des missions propres aux ambulanciers français, à savoir : transport sanitaire en VSL et ambulance pour des interventions de type « classique » et missions d’urgence (sur demande des médecins locaux et SAMU 68). Nous disposons de 3 VSL et de 2 ambulances. Nous sommes 4 Ambulanciers DE, 2 Auxiliaires Ambulanciers et une Assistante de Direction. Une équipe de renfort (vacataires) est également présente (1 ADE et 3 Aux).

Parlons un peu de vous… Quel est votre parcours professionnel et comment en êtes vous arrivé à devenir chef d’entreprise ? Qu’est ce qui vous a poussé dans cette voie ?

Ma formation scolaire initiale s’est orientée vers le nucléaire en tant qu’agent d’assainissement radioactif, métier que j’ai exercé peu de temps, en définitive, puisque j’ai été appelé sous les drapeaux. J’ai effectué mon service national à la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris sur une période de 18 mois, en service actif en « Interventionnel ».

C’est à l’issue de ce service que j’ai trouvé ma voie, et en l’espèce, mon premier emploi en tant qu’auxiliaire – qu’on appelait à l’époque « chauffeur BNS » – (rires). J’ai occupé ce poste pendant un an avant d’être embauché dans une très grosse structure du Centre Alsace, m’ayant donné l’opportunité d’être formé au diplôme du CCA en 1995.

 En 2000, j’ai pris la tête de l’agence principale de cette « nébuleuse », puis j’ai mis en route d’autres agences annexes sous la même direction avant de me retrouver bombardé DRH du Groupe, comptant environ 150 ambulanciers.

En 2005, j’ai été recruté par un cabinet de conseil afin de faire du conseil en management de sociétés d’ambulances, m’obligeant, de fait, à quitter ce groupe dans lequel j’avais fait mes armes.J’ai donc été consultant durant deux ans avant d’avoir l’opportunité de reprendre « Val d’Orbey », opportunité sur laquelle je me suis empressé de sauter, car comme le dit le dicton, « Ambulancier un jour, ambulancier toujours ».

S’installer comme Transporteur Sanitaire c’est quelque chose d’assez flou en terme d’information, pourriez vous nous résumer le chemin que vous avez suivi ?

C’est une question qui appelle une réponse trop vaste mais gros, soulignons simplement que la démarche administrative a été assez clairement définie, donc le cheminement relativement aisé. C’est plus avec les banquiers et les organismes de prêts que le problème s’est posé en ces termes.

Avez vous rencontré de grosses difficultés passées ou présentes en tant que chef d’entreprise ?

Les grosses difficultés en tant que jeune chef d’entreprise résident dans le tri à faire entre toutes les arcanes du système de taxation français (URSSAF, ASSEDIC, Retraites, Taxes Professionnelles, Taxes sur les salaires, TVA) – rires. La complexité des obligations déclaratives est d’une lourdeur infinie, pour des impôts auxquels on n’est même pas sûrs d’être assujettis. On passe des journées à remplir des déclarations pour rien, en gros.

Selon vous, pour un jeune ambulancier, se lancer dans l’aventure de la création d’entreprise de Transport Sanitaire est-ce une aventure vouée à l’échec ou est-ce encore quelque chose de réalisable ? Quels sont les atouts à posséder pour accéder à ce choix ? Quels sont les critères de base à prendre en compte ?

C’est une aventure envisageable dans deux cas de figure…, mettons… extrêmes :

Soit on gère son entreprise en « immersion », à l’artisanale, sachant que tu commences ta journée le premier, et tu es le dernier à quitter ta boîte – si et seulement si tu la quitte le soir, parce que souvent, dans ce cas de figure, tu VIS au boulot.

Deuxième option, la structure est plus grande, permettant au gestionnaire de prendre une certaine distance au sens figuré, sachant que son staff va permettre de faire tourner la boîte et de la viabiliser. La prégnance pour le chef d’entreprise est donc moindre, sans pour autant que les résultats ou le bilan financier n’en souffrent. Je pense qu’aucune autre « option » n’est réellement viable.

 Les atouts à posséder… Ils sont clairs et consistent à ne pas avoir peur de prendre des risques auxquels aucun salarié ne s’expose par définition, sachant qu’en cas d’échec, c’est ta maison que tu vois partir dans les mains du banquier… Ensuite, être un « leader » dans l’âme. On ne mène pas ce type de barque sans cet cette composante du caractère, constante…

 On ne « monte pas » sa boîte. On rachète. Il faut étudier le contexte à la fois géographique, économique. Stratégiquement, on ne rachète pas une boîte trop éloignée d’un centre hospitalier de référence ou sur les bases de finances malsaines…

C’est un mauvais choix qui peut potentiellement être lourd de conséquences. La réflexion doit être posée et tenir compte de multiples facteurs dont ceux-ci, entre autres. Je trouve dommage – entre nous soit dit – que ces choix soient basés sur ces conditions economiques, au lieu de pouvoir, comme il se devrait, se faire sur les bases d’une volonté de faire du bon boulot, par amour et dévouement pour ce métier.

Pour vos recrutements : avez-vous des critères de sélection particuliers, ou recrutez-vous juste au vu du CV ?

Mon opinion et ma façon de fonctionner ne se limite pas à un profil. C’est trop réducteur. La société dans laquelle nous vivons étant multiforme et en perpétuelle mutation, mon équipe se doit de l’être aussi.

Dans ce sens, je privilégie une grande diversité des personnalités, en sus des compétences, bien évidemment, puisque c’est dans la complémentarité des personnalités et des profils, si tu préfères, qu’on obtient une équipe qui tienne la route, adaptable et réactive. Malgré tout ça, la réglementation et l’équilibre des qualifications se doit d’être respectée dans les démarches de recrutement.

Quelle est votre vision de l’ambulancier en France ? Trouvez vous qu’il existe des manques d’un point de vue formation, motivation… Quelles améliorations seraient à apporter ?

Ha-ha ! C’est un pavé qu’il faudrait écrire, alors on va tenter d’être synthétique. Dans les années 60, la France à été précurseur dans le système de prise en charge pré hospitalière. Mais elle s’est glorifiée de ce statut, en omettant au passage de se remettre périodiquement en question.

Au final, nombre de pays, après nous avoir observés, ont non seulement pris exemple mais sont allés plus loin, tandis que la France restait en panne sur la bande d’arrêt d’urgence. Notre métier et par delà, le système global de secours, aujourd’hui, bien qu’en perpétuelle mouvance, DOIT être réformé. C’est une nécessité au regard des décennies de retard accumulées, comme nous le constatons avec nos partenaires européens.

Depuis le passage du CCA en DEA avez vous remarqué une amélioration de la « qualité » des ambulanciers ? La nouvelle génération est elle plus motivée ? plus investie ? Mieux formée ?

 Ma structure étant constituée de personnels de la « génération CCA » et le turn-over étant très limité, ce que je sais et ce que je constate chaque jour, c’est que le CCA était plus orienté vers l’urgence pure, alors que cette activité n’est que très limitée (la moyenne nationale est environ de10 %). Le DEA, bien que plus évolué et cohérent, s’inscrit plus dans une philosophie « hospitalière », avec des passerelles vers le diplôme d’état d’Aide-Soignant. Le CCA DEVAIT évoluer en un diplôme type DEA, mais c’est encore tellement insuffisant au regard de notre retard…

En tant que chef d’entreprise, quels seraient les conseils que vous donneriez à quelqu’un qui vient vous interroger sur ce choix de métier ?
L’ambulancier idéal à vos yeux, c’est ?

Ce choix implique une dynamique changeante et adaptative par définition. Combien de fois ai-je entendu des « postulants » me dire qu’ils ont porté ce choix par gout de la conduite… Une aberration selon moi, puisque ce métier est avant tout un métier de contact nécessitant une capacité d’écoute en même temps qu’une conscience aigue de la notion d’assistance et de secours.

Alors la conduite, franchement, c’est un argument que je balaye d’un revers du bras. Un argument que je ne peux entendre ! Un ambulancier heureux est un ambulancier qui, à l’issue de sa journée, ne rentre pas chez lui en ayant l’impression d’avoir perdu son temps, ou d’avoir été « balèze » en conduite !

Un ambulancier idéal n’existe pas car en France, ce métier est tellement diversifié (taxi-sanitaire jusqu’à l’urgentiste en passant par le transport sous surveillance médicale) que tous les profils correspondent, et qu’aucun ne doit « matcher » un seul versant de ce métier multiforme. Chaque tâche ou affectation de ce métier est une « spécialisation » en soi. Un bon auxiliaire en VSL est aussi indispensable qu’un bon urgentiste… et vice-versa.

En dehors du transport sanitaire classique, participez vous à l’Aide Médicale Urgente dans votre département ? Comment se passe-t-elle étant donné la grande disparité dans les différents départements ?

Bien sûr ! Notre activité est indissociable de l’AMU… Un ambulancier qui refuse cette place dans le dispositif ne devrait pas s’appeler « ambulancier », ou du moins se réclamer de notre profession. Pour ce qui concerne le Haut-Rhin, nous sommes gérés par le SAMU-Centre 15, lui-même informatisé dans le déclenchement de la réponse ambulancière immédiate via une plateforme nommée Thélis et un système de géolocalisation.

 Parlons urgence, à l’heure actuelle beaucoup d’ambulanciers souhaiteraient participer plus activement à l’AMU au vu de leur diplôme devenu plus complet et aussi axé sur la prise en charge pré hospitalière de patient avec et sans urgence vitale.

Notre système (ndlr français) est axé sur les pompiers et leur départ immédiat, et de l’autre côté de réels freins existent : carences, sentiment de « privatiser le secours à personne ». Auriez vous votre avis sur la question ? Les ambulanciers ont ils leur place dans l’avenir du secours à personne (modèles suisses, belges, canadiens…) ?

Les ambulanciers sont mieux formés à l’évaluation clinique d’une victime contrairement aux pompiers qui appliquent de simples protocoles. Sur l’abord d’une victime, les ambulanciers sont plus à même de dessiner un tableau mono ou poly-pathologique afin d’y répondre au mieux. Nos freins se retrouvent dans notre statut : n’appartenant pas à la « fonction publique », nous ne disposons pas du financement dont bénéficient les pompiers en termes d’armement des véhicules et de moyens matériels.

C’est l’ensemble du système qu’il faudrait refondre vers un diplôme commun, par exemple… J’ajoute, pour couper court à toute réaction « à chaud », qu’au-delà de la disparité des formation pompiers ou ambulanciers, il existe de très bons éléments de chacune des deux couleurs, comme de très mauvais. C’est le système global français qui crée les dissensions stériles auxquelles nous assistons quotidiennement. Alors oui, assurément, l’ambulancier d’aujourd’hui et de demain a TOUTE sa place dans le secours à personne. Bien sûr ! Plus que jamais. Et cela va aller exponentiellement.

Une conclusion pour terminer ce portrait ?

Cela fait 17 ans que je vois ce métier évoluer sans cesse. Mais ça ne doit pas s’arrêter là, malgré le contexte économique difficile. Il faut absolument, comme je le citais tout à l’heure, que le législateur prenne la pleine mesure de notre retard et que les ambulanciers se mettent à la page, dans le sens d’une dynamique de recherche permanente de l’aboutissement. Je fais et ferais toujours parie de cette dynamique… !

Merci à monsieur Christophe DURRHEIMER pour avoir pris le temps pour répondre à nos questions et en espérant que cela apportera des informations utiles à tous.

cca75d1ebfde847ffe6ffee493a579e5 Ambulancier : le site de référence Les ambulances du Val d'Orbey

Franck SIMON

Ambulancier Diplômé, j'ai crée ce site en 2009. Je souhaitais mettre à la disposition de tous un outil d'information à but pédagogique pour centraliser le plus d'informations possibles sur le métier d'ambulancier et ce qui l'entoure. Passionné par mon job j'essaie d'apprendre à chacun à mieux connaitre la profession et en parallèle offrir à mes collègues un outil pour garder leurs acquis à jour, et valoriser cette profession méconnue et mal aimée. Spécialiste du billet d'humeur acide j'aime bien taquiner mes collègues sur des sujets sensibles et enfoncer des portes

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