Les titres de la presse sensationnelle sur les ambulanciers en disent long
Je vais commencer par évoquer les titres issus du journalisme à sensation, que dire de la presse quotidienne en fait puisque je n’ai eu qu’à utiliser le mot clé « ambulancier » dans Google Actualités. Edifiant !
- Mort de Nahel : l’ambulancier en colère condamné à 6 mois de prison
- « L’émotion m’a dépassé »: l’ambulancier qui a menacé un policier après la mort de Nahel dispensé de peine
- « Plus on va vite, mieux on est payé » : un ambulancier raconte la concurrence acharnée entre certaines sociétés d’ambulances à Lyon
- Hauts-de-Seine: Une patiente décède après un incident lors d’un trajet, un ambulancier mis en examen
- Un ambulancier mis en examen après la mort d’une patiente
- Des ambulanciers soupçonnés de cambrioler leurs patients
- Cher : l’octogénaire était morte après avoir chuté du brancard, deux ambulanciers condamnés
- Amiens: un ambulancier dans le collimateur de l’Agence régionale de santé
- Sécurité routière : le danger des ambulances qui roulent trop vite
- Elle dénonce le comportement dégradant des ambulanciers envers son mari de 78 ans et veut des excuses
Le métier d’ambulancier on ne vous l’a jamais caché c’est tout sauf facile. Forcément on en vient toujours à parler des difficultés physiques. C’est un métier qui demande de pouvoir réaliser de la manutention de patients de tous âges et de tous poids appareillés ou non et dans des conditions parfois acrobatiques. Prises en soin complexes et j’en passe
Mais la difficulté est aussi morale et psychologique puisque l’ambulancier doit faire face à tous types de violences : verbales, parfois physique, à la détresse des patients ou des familles. Travailler dans le stress des interventions et des drames médicaux ou sociaux.
Ajoutons la partie management qui apporte son lot croissant de pénibilité : salaires inadaptés au vu du métier, considération limitée voire inexistante de la part de certains dirigeants d’entreprise ou de groupe.
Mais il reste aussi un secteur dans lequel l’ambulancier n’est pas épargné : les médias.
Alors billet du bureau des pleurs ou véritable tribune pour pousser un coup de gueule ? Je vous laisse juger sur le contenu qui va suivre.
L’ambulancier : le métier méconnu mais pourtant tourné à toutes les sauces
Je ne compte plus le nombre d’articles de presse qui mentionnent des ambulances, des taxi ambulances, ou autre pépite du même genre avec en général un bon appui sur le responsable mentionné « l’ambulancier avait, ou l’ambulancier fait… ».
A la différence des Services d’Incendie et de Secours qui ont la mainmise sur les courants médiatiques grâce à leur service de communication, ils sont toujours très vigilant. Ce n’est pas le cas des services ambulanciers. Nos dirigeants préfèrent en effet se consacrer à la négociation de leurs tarifs et de leurs avantages économiques auprès des caisses d’assurance maladie. La respectabilité du métier et l’image des ambulanciers est une cause perdue d’avance et dénuée d’intérêt pour eux. C’est un fait pas une élucubration. Ce n’est pas quelque chose de rentable donc forcément…
Ce qui ajoute un problème : les journalistes font leur travail d’information, mais à défaut d’avoir des interlocuteurs viables la diffusion d’informations erronées conduit le grand public à s’enfoncer dans les idées reçues et les salades de méconnaissances. Un taxi ambulancier c’est quoi ? Une ambulance n’est pas un VSL ! Le conducteur est un ambulancier pas un chauffeur.
Ce qui pourrait paraitre élitiste ou futile n’aide en rien à la reconnaissance d’un métier déjà très malmené. Un peu de valorisation ne serait en effet pas un luxe pour la profession pour offrir un éclairage sur une profession qui prend déjà très cher au quotidien.
Les démentis ou autre alertes du même acabit sont issus des ambulanciers salariés. De manière quasi systématique. Et la portée est forcément mineure voire inexistante. Sans organe de communication compétent et avec le poids afférent c’est compliqué de faire corriger les informations.
Fraude, et course à l’argent : l’ambulancier ce voleur intemporel
Le journalisme à sensation (attention je ne mets pas tous les journalistes dans le même panier) est friand des fraudeurs et autres sujets à sensation. Ajoutons la vitesse et la conduite dangereuse, les responsables d’accident, les fraudes à la sécu, les vols chez les patients. L’ambulancier toujours le méchant vilain.
Reportage de 5 minutes comme reportages de début de soirée avec des enquêteurs à la voix off dramatique, caméra cachée et autre fabulations ubuesques font de l’ambulancier est considéré comme le père Fouettard. Qui n’a jamais pesté face aux fausses données ou à l’interprétation hasardeuse, voir les montages dramatisant volontairement quelque chose qui ne l’est absolument pas à la base ? Mais ça fait vendre de l’audience.
Quid alors des 90% des ambulanciers respectables voire plus qui n’ont jamais commis de fraudes, respectueux des procédures et des règles ? Quid des ambulanciers salariés pour qui la notion de fraude est inconnue étant donné que la responsabilité de la gestion de l’entreprise et de la facturation incombe et rapporte au chef d’entreprise ?
Là encore pourquoi les pouvoirs publics n’agissent ils pas enfin en supprimant les agréments des entreprises qui fraudent ? Non on tape sur les fesses, on suspend trois jours et on les laisse recommencer jusqu’à la prochaine fois. Je m’interroge encore sur les décisions des instances de contrôle, dont le rôle est de prendre des mesures destinées à faire disparaitre les mauvaises pratiques.
Nos instances représentatives du métier (je parle ici des instances patronales) ? Inexistantes une fois encore. Juste bonne à glisser trois phrases pour expliquer que non c’est un cas rare, que la profession conserve une exemplarité impeccable et que le métier n’intègre pas de vilains crapauds. Conneries. On sait tous et toutes que les chefs d’entreprises boiteux on tape dans une poubelle et on en trouve un paquet. Mais chut le dire trop fort serait une faute. Il n’y a qu’une minorité de responsables mal intentionnés c’est vrai. Si on compare avec les données vues, constatées et entendues au quotidien par les salariés, observateurs directs de ces problématiques réelles il y a de quoi se faire peur.
Soyons honnête : OUI la majorité des chefs d’entreprises et des ambulanciers salariés sont intègres. Mais la faible partie qui sort du cadre suffit à elle seule à étiqueter une profession entière qui n’a vraiment pas besoin de ça ? Pourquoi ne pas inviter justement les médias à le constater ? La question est posée. Venez rencontrer des entreprises ailleurs qu’à Paris, Marseille ou Lyon on vous démontrera la vraie réalité du métier.
Quand les ambulanciers abandonnent les patients à la rue
Là aussi les sujets à sensation sont légions. C’est le refrain typique du « le SAMU n’a pas voulu envoyer quelqu’un ». Chouette le titre accrocheur qui se traduit aussi par des références du type : les ambulanciers abandonnent un octogénaire dans la rue, ou encore l’ambulancier n’est pas prioritaire et était un danger roulant.
C’est édifiant de voir les titres putaclic, agrémentés de phrases pour faire enrager le français moyen et l’amener à crier et houspiller une profession avec des commentaires de bien sachant. Car trois quart du temps l’article ne va pas plus loin que la prise d’informations rapide.
Sans avoir opposé les faits, ou encore la version de la partie adverse. Mais il faut vendre vite et rapidement avant qu’un autre journaliste ne s’empare de l’affaire. Donc pas le temps d’attendre que les conclusions soient tirées, que les parties aient tous eu le temps de débriefer pour connaitre l’exactitude faits.
Car sur chaque situation il y a un déroulé exact qu’il faut mettre à plat. Les responsabilités de chacun à définir. Le contexte exact à remettre sur pied.
L’ambulancier était en intervention ? Gyrophares et sirènes ? A t’il respecté les règles de sécurité ? Était-il mandaté par le 15 ? Il y avait une notion d’urgence justifiant de se dépêcher ? A t’il franchi un carrefour de feux rouges à 150km/h ou à 20km/h après avoir regardé partout ? Est-ce que l’automobiliste qui a tapé le véhicule respectait la vitesse ? Est-ce que la famille était présente ? Qui a vu quoi ? Avez-vous opposé les deux versions ?
Bref vous l’avez compris et vous le savez pertinemment : sur le terrain il y a des faits et une fois ces faits établis la réalité est souvent à l’opposé total. On publie alors un « article », que dis un entrefilet rapide trois jours après pour rétablir la vérité. Le mal étant déjà passé par là, la profession a fait couler de l’encre et une fois de plus l’image est noircie au possible.
Attention : je ne dis pas qu’il n’y a jamais de faute de la part des professionnels, je souhaite juste évoquer la présomption d’innocence ou l’absence possible de faute. Tout comme Paris et Lyon ne sont pas représentatives du territoire entier…. Je pense ne pas faire d’amalgame en écrivant cette phrase…
Médiatiser les ambulanciers c’est avant tout apprendre à les connaitre… pour de vrai
Malgré les nombreuses tentatives et les efforts déployés par chaque membre de l’équipe, entre autre Bastien, qui a lutté auprès des sociétés de production pour faire réaliser des reportages réalistes, la médiatisation de l’ambulancier reste en majorité à charge.
Pour les services d’incendies et de secours ils ont droit aux reportages qui glorifient, pour les SAMU/SMUR c’est un peu en fonction de la météo, et pour les ambulanciers c’est carrément à l’orage de manière quasi systématique. Et pour le peu qui passe entre les mailles ça ne dure que quelques minutes calées vite fait bien fait.
Citez-moi un reportage télévisuel, ou écrit qui s’intéresse vraiment à la profession et sa valorisation ? On les compte sur les doigts d’une main. Même exemple pour la presse. Une recherche sur le web vous donnera une idée rapide dans le fil actualités.
La faute aux équipes de tournage ? Aux journalistes de terrain ? Sûrement pas. La finalité du montage diffusé en revient aux équipes de production des chaines, aux rédactions. On veut du sensass’, du « qui éclate », du qui fait hurler. Mais pas du lisse, pas de l’humain, pas de l’intègre et du respectable. Surtout pas dans une entreprise privée. Nan pour le sauvetage de vies on a les pompiers et au besoin le SAMU t’inquiètes. Ah mais eux ils ont la possibilité de contrôler ce qui sera diffusé… Les ambulanciers ? on s’en fout…
Alors est ce qu’un jour les professionnels de la presse écrite ou visuelle seront à même de prendre le temps pour s’intéresser (pour de vrai) à la profession d’ambulancier ?
Soyez curieux, faites la démarche de comprendre, d’aller plus loin que les idées reçues qui vous influencent au quotidien. Le rôle d’un journaliste est de rendre compte de l’actualité mais aussi d’apporter des informations viables et fiables à la population.
Pourquoi toujours encenser certains acteurs du secours et à l’inverse descendre les autres ? Soyez réaliste on bosse TOUS pour la même chose : le bien être du patient et sa prise en soins. TOUS !
Sortons de ce schéma malsain qui ne contribue qu’à déprécier la profession et son image. Générant ainsi, encore plus de désintérêt pour les futurs acteurs ambulanciers de demain. Certes cela ne changera pas le monde. A défaut peut être contribuer à rendre un début de lettres de noblesse à une profession de l’ombre qui demeure malgré tout, un élément essentiel pour la population.
Et au vu de la pénurie grandissante d’ambulancier dans la profession ce genre de mauvaise presse n’aidera en rien à résoudre le problème. Certes ce n’est pas l’unique cause on est d’accord, mais la mauvaise publicité ne donne point envie de postuler.
S’il vous plait, serait-il possible de nous permettre d’arrêter de devoir tout le temps, nous justifier auprès du grand public ?
Vous ne vous rendez pas compte de l’usure que ça crée, de ce sentiment de dévalorisation produit. A chaque article une nuée d’échanges négatifs qui font plus de mal que de bien et nous relèguent dans les égouts. Nos interactions avec les commentaires, le public ? Conspuées ou rabrouées par des « bien sachant », « culturés » mais qui « sachent » eux. On sait que derrière un clavier ça se lâche facilement, mais même en face à face le problème demeure.
Je pense qu’on en bave assez au quotidien dans nos missions, dans l’affront quotidien de la mort et de la maladie avec nos patients qui souffrent et disparaissent. La charge mentale de ce métier est déjà quotidienne. On prend sur nous, on éponge les sentiments et les humeurs, les douleurs et les colères des familles et des patients.
Un article, un reportage un peu plus ensoleillé serait en effet un peu plus valorisant, mais pas que pour nous. C’est aussi pour tous les patient que l’on transporte, que l‘on prend en charge et qui combattent la maladie au quotidien.
Alors venez à notre rencontre. Je vous promets qu’on saura vous montrer à quel point notre métier nous passionne, à quel point on se donne au quotidien pour la population et nos patients. Et que vous apprendrez beaucoup, voire peut-être nous aiderez vous à changer la vision de notre profession en nous accompagnant.
Mais arrêtez s’il vous plait de nous reléguer à des fraudeurs incompétent dingues de vitesse et totalement dénués d’empathie. Car c’est le tableau actuel de la presse visuelle et écrite sur notre métier. Pas besoin de faire des stats’, il suffit de chercher sur la toile et comprendre, regarder les JT et écouter…. Ambulancier c’est avant tout servir, et non se servir. Au plaisir d’en discuter ensemble qui sait !