« Arrêtes de te prendre pour un médecin »
Mon Dieu, cette phrase arrêtes de te prendre pour un médecin, combien de fois je l’ai entendu ou lu. Entendu, pour moi ou certains de mes collègues. Lu, souvent, sur les réseaux sociaux. Cette phrase, peut-être anodine, me choque pourtant énormément.Cette phrase est souvent, d’ailleurs, suivie du tout autant insupportable :
« On n’est QUE ambulancier »…
Allez, attardons-nous sur ce « QUE. Pourquoi « QUE » ? Pourquoi se réduire à ce que l’on est. Notre métier, celui qu’on a choisi et pour lequel on s’est battu des mois pour y entrer, pour financer ses études, pour obtenir son diplôme, pour trouver un emploi est-il si honteux pour lui administrer ce terrible et tellement réducteur « QUE » ? Soyons fier, assumons.
Le manque de reconnaissance
Je n’ai encore jamais, je crois, rencontré un seul ambulancier ne se plaignant pas de ce terrible et réel manque de reconnaissance. On souffre tous du regard des autres corporations sur nous. Chauffeurs, livreurs, brancardiers, taxis, squatteur de machine à café…. Voilà ce que l’on dit de nous.
On se cache, on ne donne pas son avis, on ose à peine arborer une tenue vestimentaire qui ressemble à quelque chose. Nos ambulances sont blanche, il faut en mettre le moins possible dessus, que ça ne brille pas trop, que ça ne clignote pas trop. On ne s’impose pas, on ne nous voit pas dans les journaux, à la télé, pour autre chose que du négatif, de l’arnaque à la sécu. Et on ne fait rien. On reste entre nous, bien caché dans nos entreprises, la porte bien fermée, bien à l’abri sur les réseaux sociaux, derrière nos selfies « oreilles de chien », à se souhaiter bonne garde ou bon week-end, en attendant de changer de métier….
Certains ont essayé de nous vendre du rêve à grand coups d’annonce : demain, vous serez paramédics, demain, vous serez payé double, demain, monsieur le ministre vous saluera. Au lieu de nous tirer vers le haut, on nous a fait plonger encore plus profond. Heureusement, le temps les a fait taire. Mais je m’égare.
Pourquoi se cacher, ambulancier c’est honteux ?
Alors, bon, donc, pourquoi se cacher derrière ce « QUE », pourquoi courber l’échine, pourquoi ramper, plier devant une IDE, une AS, un doc ou un chirurgien. Pourquoi ne pas juste dire, fièrement : « Je suis ambulancier, votre collègue, avec le même but que vous : soigner ! »
Sans soldats dans les tranchées, un général n’est rien et la guerre est perdue ! Mais revenons à notre phrase-titre : « Arrête de te prendre pour un médecin »
Ambulancier : passion, curiosité et implication
Je me souviens d’un collègue que tout le monde montrait du doigt. « Il se prend pour un médecin, on l’appelle le professeur »…. On se moque gentiment de lui, je me prends au jeu et moi aussi je l’appelle « professeur », bêtement. Et puis, au fil des mois de collaboration avec ce garçon, je me rend compte qu’en fait c’est un passionné, un gars qui aime ce qu’il fait et qui est curieux de tout. Il lit, il apprend, il questionne. Il ne se contente pas de « livrer des vieux », il a envie d’avoir sa place dans la chaîne de soins, fièrement, avec le bagage qui va avec.
Ou un autre collègue qui avait aussi cette réputation de « médecin » et qui en fait, après avoir pris le temps de le connaître, avait juste un parcours différent, un vécu différent et surtout des acquis différents de la plus part de ses collègues. Et puis, toujours cette passion, cette envie de bien faire, se désir de reconnaissance, légitime, et ce pouvoir de se donner les moyens de l’avoir, un peu au moins, cette sacrée reconnaissance.
Alors oui, ces gens-là, ces collègues, portent des Magnum aux pieds, essayent d’avoir une tenue impeccable, et surtout (Ô crime suprême) utilisent LE code commun. Pire : ils osent prendre parfois le stéthoscope pour prendre une tension manuelle. Les fous ! Parfois, ils s’offusquent de voir des choses qu’ils ne devraient pas voir et se permettent de le dire ou de l’écrire. Les crétins !
Certains même vont faire des formations qui ne sont pas obligatoires, sur leur vacances, avec leurs propres deniers. Les malades !
Les chefs d’entreprises investis : l’insulte suprême
Et le summum : ce sont ces quelques chefs d’entreprise qui osent les véhicules ou les tenues « à l’américaine », avec le matériel et les formations qui vont avec. Ils ne sont qu’une poignée pour l’instant, mais il semblerait qu’ils commencent à se reproduire. Ceux-là aussi sont montrés du doigt. « Inutile, prétentieux, ridicule, bling-bling, trop cher, pas fait pour nous »… Les adjectifs ne manquent pas lorsque je montre fièrement à mes collègues, qui ne sont QUE ambulanciers ,donc, les photos d’une célèbre entreprise Nantaise ou les vidéos d’une non moins célèbre marque de télémédecine Bordelaise voire encore le matériel présent à Secours Expo.
« Commençons déjà par nous prendre pour des ambulanciers »
« Commençons déjà par nous prendre pour des ambulanciers »
Être ambulancier, c’est un vrai métier, complexe, complet, rigoureux et ingrat. Il faut être soignant, pilote, secrétaire, mécano, éducateur, formateur… tout ça dans le respect du patient, avec un code de déontologie qui, malgré le fait qu’il ne soit pas vraiment écrit, est très riche et contraignant. On nous tape dessus à longueur de journée, ne nous tapons pas nous même dessus. Au contraire : protégeons ceux qui se donnent du mal, ceux qui y croit encore, ceux qui veulent avancer. Ceux qui veulent être, tout simplement.