Ambulancier, le covid avant, pendant et après

par | 18, Mai 2020 | Les dossiers de l'ambulancier

COVID… Deux syllabes qui font froid dans le dos. Un virus qui aura complètement chamboulé nos vies personnelles et professionnelles. Personne n’aurait pu imaginer un seul instant qu’un virus microscopique puisse remettre en question tant de choses;  jusqu’à la vie elle-même sur notre planète. En ces temps difficiles l’expression « la vie ne tient qu’à un fil » prend tout son sens.

Globalement la paranoïa (ou l’hyper vigilance) est de mise. La moindre petite courbature ressentie, fatigue ou petite céphalée se transforme rapidement en peur d’avoir contracté le virus. Les premières questions de nos bilans sont devenues « avez-vous de la fièvre ? », « Avez-vous de la toux ? » et tant pis si à la base on venait pour une chute à domicile. Jamais nous n’aurions cru devoir nous habiller une Prise en Charge sur deux en véritable cosmonaute (ou en peintre suivant votre point de vue). On se fait des nœuds au cerveau au moment du déshabillage comme si nous étions en train de désamorcer une bombe (les gants en premier ou en dernier ?!).

Le pays n’a pas été touché de la même manière dans toutes les régions. Même si la « vague » n’a pas éclaboussé tout le monde de la même manière, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y aura un avant et un après le COVID19. Notre manière de travailler, d’aborder les patients, de se côtoyer entres collègues, tout à changé ! Le seul point positif à tout ça (il faut bien en chercher, restons positif) c’est que le grand public et nos politiques se sont rendus compte que les ambulanciers faisaient partie de la chaine des soins. La prise en charge d’un patient atteint du COVID 19 ne commence pas en réanimation mais bien lors de l’arrivée des ambulanciers à son domicile.

Cette crise aura demandé aux ambulanciers et aux sociétés une grande capacité d’adaptation, beaucoup de débrouillardise et de la solidarité. En quelques semaines les ambulances se sont remplies de visières de protection, de tenues intégrales et même pour certains de housses de protection sur les brancards. Le monde ambulancier est rempli de chose à améliorer c’est sûr, mais il est certain qu’il est aussi plein de ressources et de courage.

Afin de nous rendre compte de tous ces changements sur le terrain, nous sommes allés interroger des ambulanciers du public ou du privé, des chefs d’entreprises de petites et grosses entreprises afin d’avoir leurs ressentis sur ce que le coronavirus a changé dans l’exercice de leurs fonctions. Nous leurs avons posé la même question à tous.

« Qu’est ce qui a changé dans votre quotidien depuis le début de cette crise ? »

Mélina, ADE, Ambulances Sainte Adresse (76)

mélina ade ambulance sainte adresse

« Il a d’abord fallu trouver une organisation pour toute l’entreprise. Mon patron a donc décidé de faire un roulement pour le chômage partiel, chaque employé fait donc un roulement pour que le chômage partiel touche tout le monde à part égale. Notre activité a énormément diminué.

Nous sommes passés de 450 transports par jour en VSL contre à peine une cinquantaine et 100 transports en ambulance contre une trentaine à peine. Ils ne nous reste plus que nos patients dialysés avec lesquels nous devons être encore plus vigilant que d’habitude pour les protéger au mieux de cette crise sanitaire, quelques patients avec des rendez-vous maintenus et des retours d’hospitalisations.

Auparavant nos journées avoisinaient environ 10-12h d’amplitude par jour et maintenant nous sommes plus autour de 7-8h. Nous avons eu la chance d’avoir eu des dons par plusieurs personnes (création de visière par exemple), dons de masques, charlottes, surblouses, gants etc. Pour les prises en charges  tout à changé. Plus de serrage de mains, nos sourires cachés derrière un masque. Difficile à comprendre pour certains qui sont habitués à nos petits gestes réconfortants.

Pour les interventions à la demande du SAMU, les demandes de prise en charge plus urgente mais aussi plus longues. Il faut déjà prendre le temps de s’équiper correctement. Nos prises en charges habituelles étaient plutôt des chutes, malaises, tentatives de suicide, altérations d’état général. Même si toutes ces interventions sont toujours présentes,  il y a aussi des décompensations suite au COVID-19 qui s’avèrent vraiment grave.

Ma première intervention pour une suspicion de COVID-19 était chez un jeune homme de 25 ans qui présentait beaucoup de symptômes mais le plus grave étant sa désaturation en air ambiant soit 80% d’oxygène dans le sang  avec une remonté à 90% sous 15L d’oxygène. Des interventions comme celle-ci, prennent environ 1h30. Il faut prendre le temps avec le patient, le stabiliser au maximum avec l’équipe médicale mais aussi prendre du temps avec la famille. Notre travail ne s’arrête pas à prendre en charge le patient et le ramener à l’hôpital.

Ensuite il faut tout désinfecter : le matériel, l’ambulance… Et surtout prendre des précautions en enlevant nos protections. Notre travail habituel a diminué sur nos transports programmés mais a augmenté pour les interventions à la demande du Centre-15. Suite à ça, deux ambulances furent dédiées tous les jours de 8h à 20h spécialement pour les interventions du C-15 et uniquement pour les cas COVID-19. »

Jérôme, ADE, Jussieu Secours (59)

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« Dans mon secteur, nous avons été vite mis à contribution contre le covid19. Je me souviens de ma première prise en charge : le stress la peur, l’inconnu. Puis les prises en charges s’enchaînent, on apprend à dominer la bête. Un jour une amie journaliste pour BFM TV m’a contacté pour un reportage tv. La joie enfin nous allions montrer notre quotidien. Puis après le reportage le coup de téléphone que tout le monde redoute, mon enfant, ma vie en suspicion de covid19.

La peur m’a envahi et je remercie mon binôme du jour pour son professionnalisme et son sang-froid. Au final ma fille s’est avérée négative. Depuis ce jour-là mon regard à changé. Je me croyais invincible, protégé mais la réalité m’a rattrapé. J’ai un autre regard sur tout cela.

Niveau matériel nous ne sommes pas à plaindre,  je m’occupe de la gestion stocks de mon entreprise et nous avons ce qu’il faut (masques, combinaisons, bâches pour la cellule). Notre régulation nous a toujours laissé le temps nécessaire pour nos prises en charges covid19. Ce qui me révolte c’est le regard des gens sur nous et plus particulièrement le gouvernement. Nous sommes soignants quand cela les arrange. J’espère que cela va vite finir et que nous pourrons retourner vaquer à nos vies d’avant. »

Sylvie, ADE, AMBULANCES de Haute Cornouaille (29)

sylvie ade ambulances

« Nous sommes de base à 35h avec heures supplémentaires payées, depuis le confinement nous faisons juste nos 35h souvent en 4 jours. Il y a certains en taxi et nous DEA. Nous faisons 2 équipages, un du matin (8h/14h) et un du soir (13h/20h). Concernant le matériel, la femme d’un collègue qui travaille en aggro nous a fourni les combi, charlottes, surchaussures. Et la femme d’un autre collègue qui est responsable d’une crèche nous a fourni des masques ffp2 qui lui restaient du H1N1. Les lunettes nous n’en avons que 6 que nous désinfectons après l’intervention afin de les réutiliser.

L’activité en taxi est très réduite du coup nous faisons de la dispo tous les jours et on est bien occupé. Les prises en charge sont très longues avec les protections, et après également, le temps de tout désinfecter comme il faut. Notre patron nous a mis beaucoup de matériel à disposition dans les ambulances afin de tout désinfecter sur place aux urgences, et de pouvoir repartir sans passer par le bureau. 

Gary, ADE, AMBULANCES Kerleau (22)

gary-ade ambulances

« Je suis ambulancier depuis 11 ans. Cette crise sanitaire est la pire période que j’ai vécu et que je continu à vivre. En effet, ce virus fait peur et a changé mon quotidien.

Désormais quand j’arrive au travail le matin, j’ai la boule au ventre car le matériel manque mais les personnes atteintes du COVID sont toujours bien présentes elles. Désormais la première chose que je fais en arrivant est de prendre le maximum de précautions, de prendre le matériel nécessaire afin de me protéger. Quand je dis matériel, il s’agit de ce que mon employeur a réussi à se procurer car selon le gouvernement nous ne sommes pas prioritaire….

Gant, sur blouse, combinaisons, lunettes de protection et masques.

Heureusement qu’il reste des  gens qui sont là pour nous, les associations, voisins etc.… afin de nous fournir le peu qu’ils ont.

De plus, l’activité a changé elle aussi. Dorénavant la prise en charge d’un patient COVID 19 n’est pas la même qu’un patient « classique » car elle prend beaucoup plus de temps. Les précautions pour se protéger, la désinfection et tout le reste est beaucoup plus long.

L’activité journalière a elle aussi changée, les consultations et tout ce qui est habituellement fait dans notre journée est chamboulé. Nous avons désormais 90% de notre journée des patients avec une suspicion de COVID 19. Étant donné le nombre d’ambulanciers de notre société, certains ont dû être mis au chômage partiel. Du jamais vu dans notre secteur d’activité. Tout cela laissera des marques mais je n’arrêterai jamais d’être ambulancier, plus qu’un métier une passion. »

François, ADE AMBULANCES José Lievin (62)

ade ambulances

« Alors ce qui a changé dès le début de la pandémie et du confinement dans ma société : Déjà baisse d’activité de 70 à 80 %, toute les consultations et opérations non urgentes ont été déprogrammées, toutes les hospitalisations à la journée aussi (rééducation, psychiatrie…).

Certains salariés ont dû solder leurs congés payés restant avant la mise en place du chômage partiel. Effectif roulant divisé par 2.

Ensuite ça a été la course aux protections (EPI, masques chirurgicaux et ffp2, gants, charlottes, désinfectants…) et la préparation des ambulances dédiées aux transports COVID : inventaire et protection du matériel etc.

Je me suis aussi tenu au courant des protocoles de prise en charge, très changeant suivant les régions et en perpétuelle évolution. Aujourd’hui c’est presque devenu la routine, habillage/déshabillage, désinfection etc… On essaie de rester vigilant et de continuer à travailler en toute sécurité. L’activité de l’entreprise reprend tout doucement, les urgences « classiques » aussi, après plusieurs semaines de calme. » 

Alexandra & Florent, Gérants chez AMBULANCES SAINT CHRISTOPHE (08)

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« Depuis le début de cette pandémie notre quotidien est totalement changé, bouleversé. Dès le confinement lancé il nous a fallu littéralement improviser une autre organisation. Nos PEC secondaires ont considérablement diminué, voir devenues quasiment inexistantes.

Nos patients ont vu leurs consultations, hospitalisations annulées. Nos transports d’enfants dépendant vers des centres spécialisés se sont vus annulés pour fermetures au même titre que les écoles. Il ne nous reste que les transports de patients dialysés, sous chimiothérapie ou radiothérapie. Nous avons vu notre charge de travail diminuée de 80%. Il a alors été instauré dans notre société le chômage partiel pour la totalité de nos salariés. Le nombre d’heures a été diminué par 3. Et s’est alors mis en place un roulement pour partager le peu de PEC secondaire qu’il nous reste.

Nous avons dû dès le confinement nous mettre à la recherche de dons de matériels (masques, combinaisons, protections, …) On a alors pu découvrir que l’entraide et la solidarité étaient toujours présentes. De nombreuses sociétés de secteurs périphériques ainsi que des particuliers ont répondu à notre appel et nous ont fourni des masques, blouses, produits de désinfection… Nous les remercions énormément pour toute cette aide apportée. Cela nous a permis de pouvoir nous protéger chaque jour lors de nos interventions.

Quotidiennement nous avons mis notre ASSU disponible pour le SAMU. Nos équipages sont restés très calme et professionnels en toutes circonstances. Même si le fait d’être en flux tendu de protections était bien présent nous sommes restés quotidiennement disponibles. Nous avons continué nos appels aux dons pour pouvoir travailler en étant protégés dans l’attente de pouvoir collaborer avec nos fournisseurs habituels. Ces derniers ont dès qu’ils l’ont pu, pris nos commandes de matériel en compte.

Les ambulanciers n’étant pas considérés comme soignant nous n’étions pas prioritaires pour les stocks de l’état. L’ATSU dont nous dépendons a au bout de plusieurs semaines réussi à nous fournir des masques et par la suite des blouses et de la solution hydro alcoolique. Pendant ce temps nos appels aux dons ont continué !

Concernant notre travail quotidien avec le SAMU, nos protocoles de PEC ont été revus, l’organisation au sein de l’entreprise n’échappant à ce changement. Notre de temps de prise en charge a été multiplié par deux par rapport à nos interventions habituelles hors COVID. Ce qui s’explique par un temps de désinfection beaucoup plus important ainsi que le temps habillage/déshabillage pour celles concernant les patients COVID ou suspect. Quant à la cellule de l’ambulance nous y avons installé un sas étanche autour du brancard.

Nous pourrions encore continuer à développer sur cette période COVID tellement notre quotidien a été modifié, bouleversé…  Mais les grandes lignes sont dites.

Il nous reste désormais à voir ce que nous allons devenir, quelle place l’ambulancier aura-t-il désormais dans notre société, dans notre pays mais aussi aux yeux de notre gouvernement ?

Nous espérons que la mobilisation de la corporation ambulancière, qui a tenu le front pendant la totalité de la période de la pandémie et malgré le manque de moyen lors des premières heures, ne sera pas oublié dans l’avenir et que la reconnaissance de cette profession soit enfin à la hauteur de ce qu’elle mérite. »

Des difficulté d’adaptation

Des témoignages qui expriment la difficulté pour les ambulanciers à s’adapter à un nouveau virus, avec des protocoles qui évoluaient de jour en jour et des équipements qui faisaient cruellement défaut. Il faut souligner le professionnalisme et le courage que tous les ambulanciers ont eu pour faire face à cette épidémie. Si certains en doutaient encore, oui les ambulanciers font partie de la chaîne des soins et le COVID 19 aura montré au grand public notre positionnement au combien important dans la préservation de la santé de notre population.

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Jean Paul ANGELINI

Malgré un début dans la profession assez tardif (en 2015) en tant qu’Auxiliaire Ambulancier, ce passionné du métier et de l’urgence décide de passer son diplôme d’état (DEA) après quelques années d’exercices. Sa quête de perfection et de savoir le pousse rapidement à passer sa FAE SMUR. Un Ambulancier qui s’investit dans sa région pour la reconnaissance de la profession et de ses valeurs auprès des autres professionnels de santé mais aussi du grand public.

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