Ambulancier et article de presse
Ce jeudi 18 juillet, Zoé me contacte pour m’annoncer la parution d’un article dédié au métier d’ambulancier. En effet il était à ses yeux important de rétablir certains points de vue et vérités sur un métier qui subit souvent et est peu mis en avant. Voilà un article très très bien rédigé par une journaliste : Sophie CAILLAT, de rue 89 qui a su mettre en avant les propos de zoé et par la même occasion mettre en avant notre métier difficile mais ô combien enrichissant. L’article original est à retrouver à cette adresse : http://www.rue89.com/2013/07/18/zoe-ambulanciere-pense-metier-a-fait-meilleure-personne-244050 sur l’excellent site d’info Rue 89 que je vous recommande pour la diversité de ses sujets.
« Tout ce que les gens retiennent de nous, c’est qu’on leur casse les pieds avec le gyrophare aux heures de pointe. »
Zoé, 40 ans, est ambulancière et déplore que son métier soit trop méconnu, et pas assez bien considéré.
« Etre celle qui maîtrise, qui ne s’affole pas quand c’est la panique, qui connaît les gestes, ça me plaisait » : voici comment elle décrit son métier, qui fut un « coup de foudre » lorsqu’elle l’a découvert. Et voici comment elle y est venue :
« Adolescente, je me foutais de tout. Je cherchais un prétexte pour m’enfuir du lycée, je suis allée aux cours de secourisme de la Croix-Rouge et j’ai bien accroché. J’avais envie d’être dans le soin, mais pas de faire des études pendant des années. »
Après un concours et une formation de quatre mois, comprenant un peu de médecine, de l’administratif, de la déontologie, la voilà opérationnelle. Ambulancière depuis dix-huit ans, Zoé a exploré pas mal de facettes du métier, sans évoluer vers la fonction publique ni s’installer comme chef d’entreprise.
« Apporter une petite part d’humanité »
Depuis qu’elle a démarré, Zoé trouve que l’image de sa profession s’est améliorée :
« Avant, on était vus comme des transporteurs, on n’était pas pris plus au sérieux que ça. Maintenant qu’on est mieux formés, six mois au lieu de quatre, c’est différent. On est des vrais acteurs de la chaîne des soins. »
Ce qu’elle aime dans son métier : ne pas avoir le temps de s’ennuyer, faire un peu de tout, des rapatriements sanitaires, du Samu, des entrées et sorties d’hospitalisation, des rééducations, du grave et du moins grave. Avec son collègue, toujours présent avec elle dans l’ambulance, elle doit être capable d’assurer les premiers secours, de réanimer, mais aussi d’assurer la mécanique de base, le code de la route « et surtout faire preuve d’une patience d’ange vis-à-vis des personnels soignants, des patients, des familles souvent inquiètes ».
Elle apprécie d’apporter à ceux qu’elle transporte « une petite part d’humanité » :
« J’aime penser que ça a de l’importance. Par exemple pour les gens en fin de vie. L’important dans ce métier, ce n’est pas la conduite, c’est ce qui se passe dans le véhicule. »
Seul bémol : elle est mal payée pour une moyenne de douze heures par jour. Si elle avait encore des enfants en bas âge, elle choisirait un autre métier, car il est très rare qu’à 19 heures elle soit rentrée chez elle. « Il ne faut pas avoir une vie personnelle trop exigeante », glisse-t-elle.
Questions/Réponses :
Quel est votre contrat de travail ?
Employée d’une assez grosse entreprise privée, je suis en contrat à durée indéterminée. Diplômée par l’Etat, je suis sous tutelle du ministère de la Santé et relève de la convention collective des transports routiers, catégorie « ouvrier ». Entrée dans mon entreprise en 1999, j’en suis partie en 2003 pour aller travailler à la campagne, mais je trouvais que faire le « taxi allongé » n’était pas mettre à profit mes compétences et finalement, je suis revenue l’an dernier dans la même boîte.
Quel est votre salaire ?
Je n’ai pas l’âme gestionnaire, j’aime être exécutante. De plus, l’argent n’est pas une priorité, et je n’ai pas envie que ça le soit. Même si parfois on râle en voyant la fiche de paie. Le salaire de base est de 9,55 euros de l’heure, et mon salaire net varie entre 1 550 et 1 900 euros. La différence se joue sur les heures supplémentaires. Le mois dernier, j’ai touché 1 680 euros net. L’ennui, c’est les week-ends, nuits et jours fériés payés à 75% du salaire : on est moins payés qu’un jour normal. Les soirs et week-ends sont comptés comme des permanences, on est supposés être en attente, mais c’est aussi absurde que de considérer que la baby-sitter ne doit pas être payée quand les enfants dorment.
Quels sont vos horaires ?
Aucun. Certains jours, je suis de garde exclusivement à disposition du Samu, de 8 à 20 heures (et la nuit de 20 heures à 8 heures). D’autres, je suis en transport classique et les horaires sont donnés la veille pour le lendemain. Les jours où je travaille, j’ai appris à ne rien prévoir le soir. Je peux commencer à 5h30 ou à 11 heures, et je ne sais jamais à quelle heure la journée se finira.
La journée est vraiment derrière moi quand je suis dans ma voiture pour rentrer chez moi. C’est aussi le charme du métier, ces journées qui s’étirent. Je ne travaille que quatre jours par semaine et j’ai mon planning d’un mois sur l’autre. Je travaille en général deux week-ends par mois, et une à deux fois par semaine la nuit pour le Samu.
A quel moment vous débarrassez-vous de votre tenue de travail ?
Je porte un uniforme complet et obligatoire, sur lequel est apposé le logo de mon entreprise. C’est important d’avoir une tenue, d’abord pour des raisons d’hygiène, et ensuite pour être reconnaissable par les patients, le personnel des cliniques ou hôpitaux, et leurs usagers. Le soir, l’ambulance est nettoyée, désinfectée, le plein de carburant fait… C’est alors que je me rhabille pour rentrer chez moi. Mais souvent, je reste à discuter avec les collègues, histoire de décompresser.
Quel rôle estimez-vous jouer ?
Secourir, rassurer, accompagner, réconforter. Lorsque le Samu m’envoie chercher quelqu’un chez lui, je suis le premier maillon de la chaîne des soins, je suis les yeux du régulateur. Il faut être en grande vigilance : éviter qu’un état ne s’aggrave et, surtout, savoir reconnaître une détresse vitale quand elle survient. Je dois aussi détecter et transmettre aux équipes médicales des infos précieuses comme la précarité, l’alcoolisme, la toxicomanie, la maltraitance… J’aime beaucoup transporter des détenus, parce que ça me ramène aux fondamentaux de mon métier, à savoir : ne pas juger.
Votre travail vous demande-t-il un effort physique ?
C’est assurément un métier physique, exposé au mal de dos et aux accidents. Manipuler les brancards, les patients parfois lourds, marcher beaucoup… Ce sont beaucoup d’occasions de mauvais gestes, mais par chance, un ami kiné m’a appris les bonnes postures dès le départ. Et le fait de ne pas être grande m’évite de me plier en deux.
Tout un matériel de manutention est mis à disposition dans les services où on intervient : des « draps de transfert », « rollers », « lève-malade » fonctionnant comme un treuil, et pour certains patients fragiles qui souffrent beaucoup, je me fais aider. Pour conduire, il faut qu’on ait les jambes et les bras en bon état, mais aussi la tête pour ne pas faire n’importe quoi sur la route !
Je n’ai jamais eu d’accident de la route, mais il est bon parfois de se rappeler qu’on n’est pas invincibles. Je me suis fait un seul bobo en dix-huit ans de pratique : une tendinite que j’ai laissé traîner trois mois et qui a disparu toute seule.
Votre travail vous demande-t-il un effort mental ?
Oui ! Du début à la fin de la journée, ou de la nuit, on doit être capables d’accomplir les bons gestes et être attentifs à chaque patient. On apprend aussi à se protéger face à la fin de vie, c’est nécessaire selon moi d’être capable d’endosser le costume de professionnel pour ne pas craquer devant certaines situations. Pour évacuer tout ce stress, on discute beaucoup entre collègues, et on raconte aussi beaucoup n’importe quoi.
Avez-vous l’impression de bien faire votre travail ?
Ce qui est frustrant, c’est notre impuissance face à la douleur et à la souffrance : en effet, on a pas le droit d’administrer de médicaments. Tout ce qu’on peut faire, c’est procurer un maximum de confort.
Où votre travail laisse-t-il des traces sur vous ?
Quand on monte dans l’ambulance, on enfile plusieurs casquettes à la fois : celle du conducteur, du mécanicien, de l’infirmier, du psychiatre, du secrétaire qui se charge du dossier à l’hôpital… Ce qui peut laisser des traces. Mais j’ai appris à gérer le stress, à profiter de la vie et à relativiser les tracasseries du quotidien. Je pense pouvoir dire que ce métier a fait de moi une meilleure personne, enfin je l’espère.
Si vous deviez mettre une note à votre bien-être au travail dans votre entreprise, sur 20, quelle serait-elle ?
17/20. J’ai la chance de travailler dans une entreprise où l’activité est variée, mes collègues sont à la fois sympas et pros, on a du bon matériel et surtout, j’aime ce que je fais ! Le seul point négatif, c’est d’être payé à 75% la nuit et le week-end parce qu’on travaille avec notre cœur et nos tripes, mais que ça n’apparaît pas sur la feuille de paie. C’est terriblement frustrant !
Propos recueillis et mis en page par Sophie CAILLAT
http://riverains.rue89.com/sophie-caillat
L’article original est à retrouver à cette adresse : http://www.rue89.com/2013/07/18/zoe-ambulanciere-pense-metier-a-fait-meilleure-personne-244050 sur l’exellent site d’info Rue 89 que je vous recommande pour la diversité de ses sujets