L’ambulancier face à la schizophrénie

par | 30, Nov 2009 | Module 2 : évaluation clinique

Les pathologies de type psychiatriques sont des pathologies complexes auprès desquelles l’ambulancier n’est pas forcément formé ou habitué. Il est donc intéressant de se pencher dessus pour connaitre la conduite à tenir et les conseils pour une prise en charge du patient de qualité. L’ambulancier face à un trouble mental telle que la schizophrénie.

Schizophrènie, définition de la pathologie

Appelés hier pour une Hospitalisation demande d’un Tiers HDT chez une personne schizophrène par le SAMU, je me suis dit qu’un rappel ne serait pas inutile. La schizophrénie en quelques mots: (selon le DSM-IV). C’est un trouble mental classifié dans les psychoses, caractérisé par un morcellement de la personnalité du sujet ainsi que par une perte totale et vitale avec la réalité. Les causes ont toutes été plus ou moins totalement validées par l’expérience clinique, sans pour autant qu’une explication de l’affection ait à ce jour été fournie:

  • Disposition constitutionnelle (sujet grand, maigre, introverti…)
  • Perturbations sévères du lien mère-enfant
  • Dysfonctionnement des médiateurs ou du cheminement cérébral des médiateurs
  • Blocage mental dû a certaines injonctions rendant le sujet inapte à la résolution de conflits interpersonnels – en général familiaux.

D’une manière générale, le schizophrène est le “symptôme”, l’élément visible d’un groupe malade – la famille, où la communication a toujours été très perturbée…

Les éléments visibles ou les signes d’une telle atteinte sont essentiellement la dissociation mentale, que certains psys appellent aussi la “discordance” se traduisant dans les faits par des perturbations affectives, intellectuelles et psychomotrices: sentiments contradictoires vis-à-vis d’un objet (amour-haine), aréactivité à tous stimuli exogènes, immobilité absolue, refus de parler ou de se nourrir.

L'ambulancier face à la schizophrénie

Schizophrènie et formes

Il existe plusieurs formes de cette pathologie, évidemment, puisque rien n’est figé en la matière.

  • La schizophrénie simple (introversion, marginalité)
  • La schizophrénie paranoïde (délires mal définis, peurs organisées autour d’un thème précis, sensation éprouvée par le sujet d’être commandé ou manoeuvré par un élément extérieur)
  • Hébéphrénie et hébéphrénocatatonie (le sujet est catatonique, et répète de façon non motivée et automatique des mots, des gestes, des attitudes etc…, le tout accompagné d’un “faux déficit” intellectuel).

Le traitement repose sur la palette thérapeutique moderne (psychanalyse, psychotropes et psychiatrie institutionnelle), et permet de stabiliser voire de guérir le sujet, grâce à une prise en charge pluridisciplinaire organisée et adaptée. L’écoute et la réassurance permettent au sujet de se revaloriser en prenant en compte une réalité qui jusque là lui échappait et dont il s’excluait du fait de sa psychose.

En cas de décompensation (rupture de traitement, sevrage mal programmé, présence d’éléments familiaux ou du moins exogènes perturbateurs perçus comme une menace ou des “comploteurs” dans le cas des schizophrénies paranoïdes), la prudence s’impose aux ambulanciers, car le passage à l’acte auto- mais surtout hétéro-agressif se fait sans prodromes:

☛ Le sujet, imprévisible, passe d’un calme catatonique à une brutale violence sans que le moindre signe ait pu alerter les ambulanciers.

L’ambulancier face à la schizophrénie : quelle attitude ?

La conduite à tenir face à une décompensation schizophrénique varie d’une intervention à l’autre, car il n’existe pas deux schizophrènes identiques…! La première chose à faire, est d’évaluer le cadre de vie (appartement, maison) et l’attitude du patient en souffrance.

Ces deux premiers points devront se faire de manière instantanée, comme un cliché Polaroïd®. (NB: Si votre binôme est un “bleu”, expliquez-lui de quoi il retourne pendant le trajet jusqu’au lieu de l’intervention, en insistant sur le risque de passage à l’acte agressif (+++) et sur la sécurité de l’équipage. Insister également (+++) sur l’importance FONDAMENTALE de garder la tête froide et de ne rien laisser transparaître de ses émotions, s’il a la trouille…)

Ecoutez le patient, certes, mais ne pas “entrer dans son jeu” – bien qu’il s’agisse de tout sauf d’un jeu, pour lui. Ecoutez-le parler de ses dons pour la magie blanche ou ses conversations avec Dieu, etc, mais il faut avant tout négocier un passage à l’hôpital pour réajuster le traitement rompu par exemple (il y a toujours, dans son esprit, une excellente raison d’avoir arrêté le traitement médicamenteux !)…

La plupart du temps, les ambulanciers sont requis pour une HDT, donc il y aura probablement un médecin sur place ainsi qu’un membre de la famille – attention, ils peuvent être perçus par le patient comme des manipulateurs: isolez le patient dans une pièce à part, mais OUVERTE en cas de passage à l’acte… Pensez à la sécurité de votre binôme et à la vôtre.

Et pensez toujours à vous mettre dans la peau d’un “négociateur” qui joue la montre…Parvenus sur les lieux, présentez-vous et ne cessez JAMAIS de concentrer votre attention sur ses mimiques, ses gestes, son attitude, ses postures: elles vous renseigneront de manière significative sur un éventuel risque envers l’intégrité physique de l’équipage.

La tâche semble ardue, puisqu’il s’agit de s’entretenir avec une personne en pleine décompensation (quelle que soit la cause), en gardant la tête froide, un discours posé et calme, rassurant, mais en restant sur vos gardes. En un mot, il ne faut laisser transparaître AUCUNE émotion (votre propre crainte que cela tourne mal, par exemple…) !

En général, la négociation se termine bien et vous finissez assez rapidement à obtenir le consentement du patient à vous suivre dans l’ambulance de son plein gré (à condition de ne pas lui mentir, JAMAIS !). Dans le cas contraire, lors du bilan au SAMU-Centre 15, demandez un renfort “Forces de l’Ordre” (si et seulement si le passage à l’acte a été franchi) et SMUR pour une sédation.

a9816ccc0092a34ed772711c9f46c1d9 Ambulancier : le site de référence L'ambulancier face à la schizophrénie

Jean LAENGY - Ambulancier DE

Ambulancier SMUR depuis 2001, j'ai commencé dans ce métier en 1995 en tant qu'AFPS. Une fois mes qualifications en poche, j'ai eu la chance de voyager dans le cadre de ma profession. SMUR de Colmar puis ambulancier à Biarritz en passant par le SMUR de Montbéliard avant de revenir en Alsace où j'ai entamé des études d'infirmier. Trouvant à travers mes stages le métier d'IDE peu intéressant car trop protocolaire, je suis retourné sur le terrain de l'UPH et de la PDS en tant qu'ambulancier DE. J'exerce toujours ce métier avec la même passion qu'aux débuts.

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