6 ans, avant de choisir ambulancier
Il y a 6 ans de ça j’étais encore dans un schéma de reconversion. Changement radical d’avenir professionnel. Remise en question de mes compétences, de mes savoir-faire et de mes savoirs êtres. Un peu perdu dans la jungle des possibilités réduites malgré tout à l’aspect financier. J’avais fait le tour de la question aidé par des conseils adaptés en fonction de mon profil personnel, mes aptitudes etc. Il y a 6 ans de ça je me suis intéressé au métier d’ambulancier.
Peu convaincu au départ au vu des idées reçues très bien ancrées dans le quotidien de monsieur tout le monde, peu aidé par les ressources sur la Toile j’ai fini par trouver l’essentiel de mes réponses après un parcours de recherches poussé et fort long. En parallèle de ma préparation pour présenter le concours d’entrée en école d’ambulancier j’ai mis en place un site web destiné aux futurs candidats qui devait répondre point par point au questionnement qui m’avait empoisonné l’existence quelques temps auparavant.
L’ambulancier pour les nuls est né, vacillant à ses départ et encouragé par mes pairs. Je me suis promis une chose quelques temps après : attendre cinq ans pour faire un point sur ma carrière d’ambulancier.
Mais pourquoi 5 ans dans la carrière d’un ambulancier ?
Tout simplement car la légende dit qu’un ambulancier en Province tenait 5 ans contre 3 sur la région parisienne. Au-delà le taux de reconversion à l’issue atteignait des proportions incommensurables. 5 ans après avoir entendu cette légende elle semble s’effriter doucement. Non pas qu’elle ait disparue mais à en voir l’entourage il semblerait que les données ont un peu changé mais sans disparaitre.
Je pratique donc depuis 5 années pleines. 5 années difficiles, courtes et longues à la fois. Années d’échanges, de rencontres, d’apprentissage, de boulettes, de réussites, de succès, de tristesse, de stress mais 5 années totalement incroyables. Je m’étais promis de le faire afin de proposer à des futurs ambulanciers ou qui débutent, de façon à servir peut être de point e repère. Mon vécu est propre à moi même, à l’endroit où je travaille donc c’est un ressenti assez personnel.
Où en suis-je après 5 ans dans le métier d’ambulancier ?
Après 5 ans dans le métier d’ambulancier. Ma motivation n’est plus aussi vaillante que celle qui me rendait aussi fonceur au départ. Je parle de motivation mais pas de conscience professionnelle, pas d’amalgame. La motivation c’est l’envie de continuer, de pratiquer, de donner. Elle s’est un peu érodée mais elle est toujours présente. La conscience professionnelle elle est toujours présente.
Ce qui me tient la tête hors de l’eau ce sont les patients, leurs parcours de soin difficile, les échanges et les rencontres avec des gens très différent, le besoin d’apporter mon aide et me rendre utile. C’est quelque chose qui me fait lever le matin : me mettre au service de ceux qui ont besoin de moi, apporter mes compétences et mes qualités humaines pour apporter mon soutien.
Question conditions de travail je mesure plus avec le temps l’impact des conditions de travail sur mon quotidien, ma famille, ma condition physique et financière. Sur ce dernier point j’étais parfaitement informé que je choisissais un métier difficile, peu valorisé et mal payé. Mais avec le temps en effet les choses pèsent plus lourd. Le manque de valorisation associé au reste fait que le fardeau est un peu plus lourd à porter chaque jour.
Ce qui explique que j’essaie de faire impasse sur ces sujets pour me recentrer sur l’humain afin de garder le cap et ne pas baisser les bras. Je ne me plains pas je suis arrivé dans une période où il y a eu une évolution, certes misérable face à une autre profession mais à l’antipode de ce qu’on vécut les ambulanciers qui travaillaient, nuit, jour, weekend sans véritable encadrement des conditions de travail.
Les choses évoluent lentement certes mais n’oublions jamais pourquoi nous avons choisi ce métier. Après je ne vais pas tergiverser sur ce sujet.
La progression dans le métier d’ambulancier
5 ans après je mesure le parcours que j’ai réalisé et à quel point l’adage suivant s’applique : un ambulancier sort de l’école, il commence sa pratique et débute juste l’apprentissage réel de son métier. La formation a beau apporter des données théoriques et pratiques elle ne peut vous faire face à ce qui vous attends dans la vie réelle. Que ce soit psychologiquement ou physiquement. Travailler avec l’être humain apporte un tel panel de diversités : origines sociales, religieuses, professionnelles. Mais aussi caractères, vécu, humeurs, sentiments et j’en passe.
Prenez une année de pratique et vous aurez un panel de patient aussi différents les un des autres. Un panel qui vous apportera systématiquement quelque chose sur le plan humain ou encore sur le plan des compétences. Que ce soit le relationnel ou encore la pratique de certains cas, pathologies, situations ubuesques rien ne vous prépare vraiment à ce que vous allez voir et faire. Le terrain c’est une école.
Une école de la vie tout comme l’école de l’apprentissage. On panique, on s’interroge, on se remet en question. Normal. Nous ne sommes jamais vraiment totalement prêt quand on débute. Ce qui ne veut dire qu’on ne connait pas son travail. Il faut juste laisser du temps au temps et ne pas oublier qu’être une équipe c’est aussi pouvoir compter sur son binôme pour être soutenu.
« Pour faire un bon ambulancier il faut 5 ans »
Une collègue m’avait dit il faut cinq années pour faire un bon ambulancier Avec le recul je me dis qu’elle avait certainement raison. Une période suffisamment importante pour être à l’aise dans la majeure partie des situations, être capable d’être un bon communicant. C’est aussi apprendre à faire face à tout type de situations, problématiques impliquant un ou des êtres humains. Savoir prendre des initiatives rapides, désamorcer des conflits, ou résoudre des problèmes en un tour de main.
Cet apprentissage ne peut se faire à l’école et même avec un bon vécu personnel et professionnel. Etre capable de conserver son sang-froid et d’agir sur une situation d’urgence même relative. Ces urgences qui ne sont jamais urgentes dit-on et au final vous laissent parfois de sacrés surprises parfois très amères, ou des souvenirs impérissables. L’école ne peut vous faire partager ce stress, ces situations tendues où on doit être capable de réagir pour venir en aide à des êtres humain en détresse tout en gérant en parallèle la panique et les inquiétudes des familles, amis, voisins présent aussi sur place.
5 ans de larmes, de rires
C’est aussi 5 années de larmes. C’est apprendre à faire face à des fins de vie, des départs brutaux, des annonces de fin de parcours. Des familles qui cherchent votre soutien, aux confidences des patients. Des liens qui se créent à des niveaux plus ou moins profond du fait des transports réguliers et qui se terminent parfois violemment. On est jamais prêt au départ de ses patients ni même au bout de cinq ans.
Il reste encore des moments difficiles mais il est important d’apprendre à se compartimenter pour ne pas sombrer. Ne pas sombrer car c’est un cheminement dans notre job. Nous sommes là pour accompagner et soutenir l’humain dans sa vie de façon ponctuelle ou répétée. Nous sommes un des maillons de la chaine de soin. Notre job c’est l’humain.
5 années de colère, de tensions, de crises, de conflit. Que ce soit pour encaisser les douleurs, les difficultés, la rage de nos patients face à la maladie. Mais aussi subir l’ire de certains professionnels de santé envers notre profession pour des choses d’une futilité parfois désespérante. 5 ans de combats, et de rage face à un cadre de travail complexe sur lequel vient se greffer la déplorable attitude des pouvoirs public qui ne cessent de venir ajouter des obstacles à notre quotidien.
Mais ne dramatisons pas. La vie est faite de fins mais elle est aussi faite de début, de nouveaux départs. Des naissances, des grossesses, des rémissions, des guérisons. Des cris de joie, des visages illuminés, des sourires, mais aussi des fous rires. Avec les patients, avec les soignants, avec les collègues.
5 ans dans le métier d’ambulancier : des collègues formidable
Les collègues sont une famille, un lien professionnel important. On se connait, on passe plus de temps ensemble qu’avec nos familles et c’est peu dire. On se connait tellement qu’on peut travailler ensemble sans parler, deviner les humeurs et s’adapter, se soutenir et faire front tous ensemble.
Ah oui on n’est pas tous sur la même longueur d’ondes mais il existe toujours ce noyau solide qui en unit une grosse partie. On se soutient, on se complète. On apprend les un des autres. On rencontre des gens formidables et je remercie au passage les miens pour supporter mes humeurs de dogue au quotidien. On est tous différent, on s’apporte tous mutuellement quelque chose (enfin presque tous hein ^_^). Compter sur ses collègues c’est important pour souder une équipe et faire du bon travail.
5 ans de tutorat
C’est une des parties qui me passionne le plus et pour laquelle je reste comme au premier jour : transmettre le savoir. Voir ses collègues passés comme élève entre ses mains et les découvrir devenu des professionnels expérimentés et compétent c’est un cadeau. Se dire qu’on a apporté certes une toute petite partie dans leur parcours, mais c’est aussi une façon de se dire qu’on suit une ligne directrice fiable qui fonctionne.
De mon point de vue la connaissance doit être partagée et la passion de ce que l’on fait donne forcément un sens aux choses que l’on transmet aux autres. La transmission du savoir est la plus belle chose qui existe pour moi surtout quand on réussit à transmettre son amour du métier et l’éthique qui me fait avancer. Former oui, mais former et orienter dans la bonne direction c’est encore mieux.
6 ans de site web
Bon ok ça dépasse les cinq années car j’ai commencé en 2009. La partie la plus mitigée depuis quelques temps. En dehors d’avoir la satisfaction personnelle d’avoir réussi à aider du monde, renseigné, informé c’est aussi une certaine lassitude. Une motivation qui baisse faute d’avoir réussi à m’entourer d’une équipe solide et nombreuse pour créer un outil communautaire qui se transmettrait au fil des générations d’ambulanciers. Sur ce point je n’ai pas encore échoué mais j’ai des doutes.
L’ambulancier lambda râle beaucoup mais quand il s’agit de s’investir pour tirer son job ou ses conditions de travail vers le haut il disparait bien souvent : râler mais surtout ne pas agir, d’autres le feront à sa place 😉 La lassitude s’explique par le fait d’être seul et de manquer d’inspiration, d’envie parfois (après le boulot dur parfois de continuer). L’angoisse de la page blanche revient de plus en plus souvent. Faute aussi au fait de ne pas pouvoir aborder certains sujets pour ne pas m’attirer les foudres de certaines institutions ou tout du moins de certain de leurs représentants ou/et membres.
Mais qu’importe ce ne sont que des moments de flottement qui disparaissent rapidement pour que l’info ressorte. C’est juste que vous subissez indirectement mes baisses de motivation. Mais quelque part en cinq ans j’ai vu passer grand nombre d’associations, groupes, site qui ont sombré malgré des volontés de révolutionner les choses ou apporter du concret; et ce depuis le départ où la Toile était à peu près vierge de ressources en dehors des pionniers toujours présent à ce jour.
Beaucoup de bruit souvent mais peu de cohésion dans tout ça. Je râle mais un jour j’espère bien que ce petit monde cohabitera ensemble. Mais malgré tout j’ai pu constater, et constate encore des démarches très constructives de la part de certains avec méthodologie et pédagogie associées à leurs actions. Moi je suis toujours présent dans mon pti coin, fidèle au poste même si j’ai du mal à conserver une ligne éditoriale équilibrée.
5 ans où je serais demain ?
J’en sais rien encore on verra ça l’année prochaine. A mon avis j’espère toujours au volant de mon ambulance, dans ma cellule sanitaire ou à conduire mon VSL. Je ne dis pas que je ne pense pas à une autre suite mais pour le moment ce ne sont que des idées sans forme bien définies.
Toujours est il que quoi que sera la direction que j’aurais pris je conserverais un souvenir inoubliable de cette profession. J’en suis fier malgré tout. Mais dites-vous une chose un jour il faudra peut-être prendre le relais de ce site.
Et à qui vais-je transmettre le bébé ? J’espère pouvoir compter sur un candidat fiable et sérieux, compétent et ouvert d’esprit pour prendre ma suite et continuer ce que j’ai tenté de commencer, mais aussi apporter un sang neuf indispensable.
Ma boite mail est toujours ouverte donc si ça vous dit de participer à l’aventure le casting est ouvert en permanence. Ne soyez pas timide, je sais je suis redondant à chaque rentrée, je ressors le même discours. Venez avec vos compétences et l’envie de faire bouger (un peu) les choses. Arrêtez de jouer les moutons et de râler dans vos coins ou sur les réseaux sociaux, à la machine à café parmi vos collègues.
Pour conclure
5 ans ça passe vite et une chose est sûre : on connait tous des moments de creux mais il ne faut surtout pas perdre de vue le pourquoi qui nous a amené à faire notre choix de profession. Si vous le perdez, vous perdez votre âme d’ambulancier et je doute que vous soyez en mesure de pouvoir exercer avec autant de qualité qu’au départ. Ce métier use mais ce métier est indispensable.
Beaucoup prophétisent la fin du métier depuis des années et nous sommes toujours là car des gens ont besoin de nous, besoin de nos compétences, besoin de nos qualités humaines. Vous êtes avant tout des techniciens de l’humain alors ne l’oubliez pas et reste droit dans vos bottes.
Sinon changez de job ; A refaire je ferais la même chose. Reste que s’accrocher reste parfois compliqué mais on revient toujours à son point initial si on est un minimum capable de faire la part des choses. Ravalez votre orgueil, vos rancœurs, et pensez à vos patients. Et n’oubliez pas une chose : bossez pour vos patients et non pas pour vous. Ils ont besoin de votre attention, de votre oreille, de votre assurance. Soyez présent… Servir mais non se servir.